Crête de Peyrolle |
Entre les latitudes de La-Salle-les-Alpes et de Briançon la ligne de partage des eaux entre Guisane et Clarée est constituée par une longue crête, presque N-S, qui court depuis le col du Granon jusqu'au Serre des Aigles, en culminant au sommet de la Grande Peyrolle (2645).
La crête de la Grande Peyrolle elle-même, au dessus de l'altitude approximative de 2000 m, a une structure très simple, monoclinale, en crêt* à regard est, mais elle est formée par une série à l'envers dont les termes les plus anciens forment des dalles structurales sur son versant occidental, tandis que les plus récents affleurent au pied de l'abrupt oriental. Elle appartient à l'unité de Roche Gauthier, c'est-à-dire à la retombée* orientale, modérément renversée vers l'est, de l'anticlinorium* dessiné par la couverture mésozoïque de la zone houillère.
À son extrémité nord, au col de Barteaux, la crête ne forme qu'une échine plutôt molle, car formée de schistes alternés de grès du houiller. Mais elle prend, plus au sud, un relief beaucoup plus acéré car, l'arête étant oblique aux strates, ces roches y font place d'abord aux quartzites du Trias inférieur puis à des calcaires et dolomies triasiques (flanqués enfin de calcaires du Jurassique et du Crétacé dans les escarpements qui tombent sur la gorge de la Durance aux abords nord de Briançon).
Dans les plus basses pentes du versant occidental, et notamment dans les abrupts qui se développent à l'est de Saint-Chaffrey et se poursuivent vers le sud jusque sous la Croix de Toulouse, la situation est différente : on y trouve en effet une succession carbonatée du Trias moyen disposée à l'endroit, qui repose sur une semelle siliceuse de quartzites et de Verrucano, puis de houiller, le tout dessinant une belle charnière anticlinale déversée vers l'est, visible dans les abrupts de la Croix de Toulouse (voir cliché ci-dessous).
En fait on constate sur la tranversale de Saint-Chaffrey, dans les pentes du Bois des Rousses, que cette succession se raccorde en continuité avec celle des plus hautes pentes, au prix d'un raccord synclinal couché vers l'est, le synclinal du Bois des Rousses : c'est le plus occidental des replis de l'anticlinorium du houiller briançonnais qui montre un franc déversement vers l'est.
Le synclinal du Bois des Rousses est bien dessiné, entre 1500 et 1800 m au NE de Saint-Chaffrey, par les quartzites du Trias inférieur : ils y dessinent une charnière antiforme dont la voûte s'enfonce vers le nord sous le Houiller, en rive droite du torrent de Sainte-Elisabeth. Plus haut, entre ce ravin et celui de Réguinier, le flanc inverse de ce pli est rompu et s'avance vers l'est, en chevauchement, sur les calcaires triasiques du Rocher Feysselle, qui représentent le flanc normal du pli. D'autre part, plus au sud, dans les escarpements situés à l'est de la crête de la Croix de Toulouse, on remarque que ce synclinal couché du Bois des Rousses est tranché par la faille de Lenlon, dont le tracé descend verticalement, de façon quasi rectiligne, dans le versant : ceci confirme le fonctionnement tardif, postérieur au rétrodéversement des plis et chevauchements, de cette cassure. |
Le versant oriental de la crête de Peyrolle est parcouru longitudinalement, à peu de distance de l'arête, par la grande faille de Lenlon, qui tranche en biais la succession de l'unité de Roche Gauthier.
Cette cassure met cette succession en contact latéral avec celle de l'unité de l'Enrouye qui se développe sur presque toute la hauteur des puissants contreforts orientaux de la crête. Cette dernière unité se différencie nettement de la précédente par son Trias carbonaté, qui est formé de brèches carniennes surmontées d'épaisses dolomies noriennes et qui est souvent associé à de puissantes masses de gypses et cargneules (on en trouve ici un témoin en rive droite du vallon de Granon) . Elle représente assez clairement l'équivalent, au nord de la Durance, de celle de la crête des Granges, au sud.
La partie inférieure de ces escarpements attire l'attention par les taches rouges qui les colorent en plusieurs endroits ("sang d'Hannibal") et auxquelles elle doit ce nom d'Enrouye : il s'agit d'oxydes de fer provenant du remplissage dit "sidérolitique" (= paléosols ferrugineux) de poches karstiques, d'âge jurassique, ouvertes dans le sommet des dolomies noriennes. |
L'épaisseur considérable qu'affectent les terrains de cette unité est due à ce qu'elle est affectée par plusieurs redoublements tectoniques : d'ouest en est on y observe d'abord une imbrication (écaillage) par faille inverse (chevauchement de La Farnore) puis un repli synclinal très fermé (à flancs isoclinaux*) et quelques replis plus mineurs. L'ensemble pend vers l'ouest par l'effet d'un renversement global en direction de l'est et repose, par un contact incliné vers l'ouest, sur une unité à Trias moyen (assimilée à l'unité de l'Enlon), dont la succession est d'ailleurs à l'endroit.
Ce dernier fait n'est guère en accord avec une interprétation qui voudrait que les unités à semelle de Trias supérieur soient d'origine plus internes que celles "classiques" à semelle de Trias moyen et feraient ainsi la transition avec les successions piémontaises également à semelle de Trias supérieur mais à jurassique différent, plus proche de celui du domaine ligure. |
Vers le sud, le dispositif structural de la crête de Peyrolle est tranché par les abrupts qui dominent la route N.94 à l'est de la Croix de Toulouse (ils en donnent d'ailleurs une coupe assez démonstrative). En fait il semblent être tranchés là une faille presque E-W, l'accident de Briançon car il ne paraît pas possible de reconnaître la même succession structurale dans le pentes septentrionales de la montagne de l'Infernet (voir la carte structurale ci-après et, pour plus de détails, les pages "Infernet" et "Briançon").
Vers le nord, l'unité de l'Enrouye se termine dans les pentes orientales du col de Barteaux : elle y est tranchée par une cassure qui représente très vraisemblablement le prolongement oriental du décrochement de Buffère (elle décale d'ailleurs dans le sens dextre le tracé de la faille de Lenlon). Au nord de l'intersection de cette faille, dans le Bois de Granon et de part et d'autre du torrent de Granon, l'on n'observe plus, comme représentant probable de l'unité de l'Enrouye, qu'un puissant amas cargneulique (voir le second cliché de cette page) : on peut également voir, dans ce dernier, l'homologue, en moins développé, des amas cargneuliques plus septentrionaux des Thures.
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Carte structurale schématique légende détaillée à la page cartes du Briançonnais |
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Chantemerle ; La Salle |
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