Col de l'Échelle, Aiguille Rouge |
À l'est de Névache et du plateau des Thures (voir la page "Crête du Vallon") le vallon du col de l'Échelle s'allonge vers le nord depuis la vallée de la Clarée, entre les petits chaînons de l'Aiguille Rouge et de la Côte Névachaise. Il est emprunté par la route D.1 qui permet de passer en voiture de la vallée de la Clarée (bassin de la Durance) à celle de Bardonecchia (bassin de la Doire Ripaire, Italie), en franchissant les abrupts du Passo della Scala qui tombent sur la Vallée Étroite.
L'Aiguille Rouge et le Col de l'Échelle vus du sud depuis le fort de Lenlon. u.Mu = unité de la Muratière (voir la page "Vallée Étroite") ; u.Be = unité de Roche Bernaude (voir la page "Rois Mages") et de l'Aiguille Rouge ; u.cE = unité du Col de l'Échelle ; u.cN = unité de la Côte Névachaise. a.aR = anticlinal de l'Aiguille Rouge ; s.aR = synclinal de l'Aiguille Rouge ; a.tN = anticlinal de la Tête Noire (= voûte affectant le flanc supérieur de l'anticlinal couché de la Pointe Gaspard, dont le flanc inférieur est sans doute constituée par l'unité du Col de l'Échelle ; Øb = chevauchement basal de l'anticlinal de Tête noire sur celle du Col de l'Échelle ; f.E = faille de l'Échelle (prolongement nord de celle de La Casse). |
Entre le point culminant du col de l'Échelle (1778) et le Passo della Scala, la route suit sur 1,5 km, un vallonnement herbeux presque horizontal.
Le fait que ce vallon a été aménagé par le passage d'une langue glaciaire est d'une assez grande évidence au vu de son fond large et aplani (profil en U), de sa déclivité longitudinale très faible et de l'absence de toute trace d'un cours d'eau capable de l'avoir creusé. Son profil en long indique un écoulement des glaces du sud vers le nord : en effet le vallon se termine de ce côté par un abrupt (voir plus loin) qui fait que son fond est suspendu au dessus du fond de la Vallée Étroite : cela répond au schéma habituel du raccordement des langues glaciaires affluentes par rapport aux langues principales (c'est donc depuis la Clarée vers la Doire que se faisait alors la diffluence glaciaire). |
A/ Le versant occidental du col est constitué par la crête de l'Aiguille Rouge
qui sépare, du côté ouest,
le vallon de l'Échelle du plateau des Thures en se prolongeant vers le sud par l'échine boisée de Tête Noire (elle en est seulement séparée par un modeste décrochement dextre, orienté NE-SW). Cette crête représente sans ambiguïté le prolongement,
sur la rive ouest de la Vallée Étroite, du chaînon
des Rois Mages.
On y reconnaît
d'ailleurs la même structure, constituée de nappes briançonnaises de type classique empilées
puis plissées par des charnières presque couchées
vers l'est. Plus précisément elle semble appartenir, pour l'essentiel de sa structure tectonique, à
l'unité de la Roche Bernaude, dont les dolomies ladiniennes
affleurent sur
l'échine de Tête Noire en une large demi-voûte anticlinale ("anticlinal de Tête Noire") qui paraît assimilable à celle du flanc normal de l'anticlinal de la Pointe Gaspard.
De plus on observe, posée sur ces dernières en saillie sur l'arête est du sommet, une klippe de calcaires triasiques. Elle forme un gendarme (coté 2344) bien visible car il est cerné de cargneules dont la teinte rouge (due surtout à des poches de sidérolitique*) a donné son nom à la montagne : la position de cet élément semble très similaire à celui appartenant à l'unité de Gran Bagna, qui est également pincé au cœur d'un synclinal couché, au flanc de la Roche Bernaude.
Cette unité de Gran Bagna réapparaît en outre au pied de la montagne, dans la vallée Étroite, où ses calcaires triasiques forment un abrupt important dénommé la Paroi des Militaires. Mais ils sont ici dans une position très différente car en position de flanc inverse sous l'anticlinal de la Pointe Gaspard. Il semble bien y avoir fondamentalement continuité entre cet abrupt et celui que franchit, au Passo della Scala, la route D1 du col de l'Échelle ; mais il en est néanmoins séparés par une cassure verticale qui tranche ces abrupts précisément au collet boisé où se termine vers le nord le vallon du col de l'Échelle et que l'on peut donc l'appeler faille de l'Échelle.
B/ Le versant oriental du col de l'Échelle est formé par l'échine de la Côte Névachaise, qui s'élève vers le sud jusqu'au sommet de Guiau. On est conduit à penser qu'elle est séparée des pentes de l'Aiguille Rouge par une "faille de l'Échelle". En effet on y retrouve de part et d'autre du vallon du col de l'Échelle une disposition très similaire, comportant deux unités briançonnaises superposées et reployées par de façon analogue par des plis couchés déversés vers l'est. Mais au lieu que leurs plis s'enchaînent d'ouest en est, d'un versant à l'autre, ils se justaposent parallélement comme s'ils étaient dupliqués par le jeu d'une faille paralléle à leur axes.
Au nord du col il paraît bien établi (bien que non indiqué sur la carte à 1/50.000°) que cette faille du col de l'Échelle franchit les falaises du Passo della Scala à l'extrémité septentrionale de ce vallon (plusieurs
centaines de mètres au nord du point où la route
D1 s'y engage en encorbellement dans le versant est) en déterminant un collet à la partie inférieure, boisée, de l'arête est de l'Aiguille Rouge (voir les clichés plus haut dans cette page).
Le tracé précis de son prolongement au sud fr ce point reste un peu incertain, faute d'affleurements où il soit indéniablement visible dans le vallon du col. L'hypothèse de loin la plus plausible est qu'il correspond à la faille de la Casse qui court au flanc ouest de la Côte Névachaise car aucun autre prolongement septentrional de cette cassure n'est connu au nord du col lui-même. |
Coupe transversale aux crêtes, aux abords du vallon de l'Échelle et de l'entrée de la Vallée Étroite. u.L = unité de Lenlon (?) ; u.cE = unité du col de l'Échelle (prolongement probable de celle de Roche Bernaude, u.B); u.cN = unité de la Côte Névachaise ; u.GB = unité de Gran Bagna (prolongement probable de la précédente) ; u.S = unité des Sette Fontane ; u.R = unité piémontaise externe des Rocce del Rouast (prolongement septentrional de l'unité du Chaberton) ; u.L = unités ligures. a.G = anticlinal couché de la Pointe Gaspard ; s.B = synclinal couché de la Roche Bernaude (voir la page "Rois Mages"). f.Cl = faille de la Clarée ; f.E = faille de l'Échelle (= de la Casse, cf. page "Acles") ; f.A= faille des Acles. |
Les couches du Trias moyen de la Côte Névachaise dessinent à la partie septentrionale de celle-ci un bel anticlinal presque couché à vergence est, que l'on peut volontiers assimiler à celui de la Pointe Gaspard. Le soubassement oriental abrupt de cette échine, que la route D1 traverse en encorbellement au Passo della Scala est formé par le flanc inverse de ce pli. Il est vraisemblable que cet abrupt poursuit bien vers le sud celui de la Paroi des Militaires (voir la page "Vallée Étroite") et qu'il appartient donc à l'unité de Gran Bagna. Mais un doute est introduit par la difficulté d'apprécier le décalage (sans doute modeste) induit par le jeu mal déterminé de la faille de l'Échelle. C'est pourquoi il semble préférable de désigner, objectivement, d'un nom spécial les unités situées à l'est du vallon de l'Échelle, savoir "unité de la Côte Névachaise" (pour l'unité supérieure dans l'empilement originel) et "unité du col de l'Échelle" pour l'unité inférieure (qui doit correspondre à celle de Roche Bernaude).
image sensible au survol et au clic |
Enfin il s'avère que sur le versant italien il affleure des lambeaux écrasés d'une troisième unité briançonnaise, originellement superposée aux deux précédentes, que l'on peut appeler unité des Sette Fontane (voir les pages "Rois Mages" et "Acles"). Du fait du renversement qui affecte l'ensemble des chevauchements elle affleure au pied du versant est de la crête et en contrebas dans le ravin de la Comba della Gorgia.
image sensible au survol et au clic |
Elle est essentiellement formée par une bande de cargneules
et de calcaires triasiques en grande partie cargneulisés,
qui évoque considérablement celle qui affecte
la base de l'unité de Gran Bagna. La succession renversée de cette unité
se complète d'autre part, dans les éperons septentrionaux du
Rocher de Barrabas, par du Jurassique supérieur et du
Crétacé supérieur (voir la page "Acles").
Elle se suit de façon discontinue le long
de la frontière franco-italienne, de part et d'autre de
la basse Vallée Étroite (qu'elle traverse au lieu-dit
les "Sette Fontane"). C'est en rive gauche de celle-ci qu'elle se développe le mieux, dans l'échine
qui s'élève vers la Pointe des Quatre Soeurs (voir la page "Vallée Étroite").
Enfin les affleurements rocheux que l'on observe au plus bas de ce versant, sur les deux rives du torrent de la Gorgia, sont formés de dolomies noriennes et appartinnent à l'unité piémontaise du Rouast. Ce sont sans doute elles qui constituent le soubassement du Pian del Colle mais ce dernier y est largement masqué sous les alluvions torrentielles de fond de vallée.
C/ Les abrupts nord-orientaux de l'Aiguille Rouge sont peu accessibles mais fortement ravinés, ce qui permet de décrypter à distance la structure interne de la masse rocheuse de l'Aiguille Rouge.
On y voit effectivement que le corps principal de cette montagne, formé par l'unité de Roche Bernaude, est affecté par la voûte anticlinale de Tête Noire, assimilable à la voûte du pli couché de la Pointe Gaspard. Mais ce pli est tranché horizontalement par une surface "basale" qui l'ampute du dessin du flanc inverse de ce dernier pli. En fait ce dernier y est remplacé par une tranche rocheuse qui ne montre pas de litage et doit donc correspondre à une lame mylonitisée ; elle semble même présenter dans sa partie haute des teintes rousses indiquant apparemment de la cargneulisation.
De fait cette lame se prolonge vers le NW (en rive gauche du ravin nord, principal), par une tranche de plus en plus épaisse de calcaires ladiniens reposant sur des dolomies du sommet de cet étage (on peut donc l'interpréter comme le flanc inverse non mylonitisé de la charnière de la Pointe Gaspard). Enfin la coupe se complète vers le bas par une nouvelle succession renversée de couches d'âge identique, qui représente dès lors très plausiblement l'unité de Gran Bagna, également basculée avec le flanc inverse du pli (c'est elle qui forme la falaise inférieur, dite "Paroi des Militaires).
Ce dispositif tectonique, constitué des deux nappes superposées et repliées, est tranché du côté ouest par une surface peu pentée qui recoupe en biais la surface de chevauchement renversée de l'unité de Gran Bagna (ceci se passe sur la crête immédiatement au sud de la bosse de Tête Ronde (2206). Cette surface supporte l'important placage de cargneules qui forme la crête de la Scia, dont le versant ouest herbeux se raccorde doucement aux alpages du plateau des Thures.
La base de cette chape de cargneules n'est en outre apparemment pas une surface tectonisée et ces cargneules affleurent à l'écart du tracé de la grande faille de La Clarée, plus à l'est que les pointements de quartzites triasiques qui la jalonnent au SE du Lac de Chavillon. (voir la page "Crête du Vallon").
Enfin à la limite sud de la crête de La Scia (là où celle-ci bute contre les rochers sommitaux de l'Aiguille Rouge) les cargneules s'engagent vers le sud sur quelques centaines de mètres sous les calcaires triasiques formant le sommet. |
Coupe le long de la crête de rive droite de la Vallée Étroite. |
aperçu général sur la tectonique de la zone briançonnaise
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Carte structurale schématique
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Névache |
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Mélezet-Mulattiera |
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"Col de l'Échelle" |
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