Aiguille de Morges, Aiguille de Clapouse |
L'Aiguille de Morges (2985 m) est le point culminant d'un petit massif situé à l'ouest du refuge de Vallonpierre, qui constitue le promontoire occidental du chaînon du Sirac et qui tombe du côté septentrional sur la vallée du Valgaudemar en amont de La-Chapelle. Ce massif se caractérise par la constitution géologique de ses crêtes, essentiellement formées de roches sédimentaires, alors que ses basses pentes sont formées de roches cristallines.
Le fait que le contact entre cristallin et sédimentaire s'avère toujours assez fortement penté vers l'intérieur du massif montre que cette couverture sédimentaire n'est pas simplement posée en chapeau : elle remplit une dépression tectonique plus ou moins en forme de cuvette que l'on dénomme le synclinal de Morges, même si sa structure est plus complexe que ne l'évoque ce terme. Le versant septentrional de ce "synclinal" est examiné à la page "Vallon Clos" et son extrémité occidentale à la page "Navette". |
Il est un peu paradoxal que, en dépit de cette structure synclinale, des terrains sédimentaires soient, comme ici, portés en saillie par l'érosion. Cela résulte, au moins pour partie, de ce que ces terrains y ont bénéficié d'une surélévation tectonique par le jeu de chevauchements imbriqués (= "écailles"*) : ces derniers ont empilé plusieurs fois la même tranche de roches sédimentaires par dessus le contenu du synclinal.
Le chevauchement de l'Aiguille de Morges est le principal de ces accidents. Il prend naissance du côté nord de la crête de ce sommet, dans le versant nord du Pic de Vallon Clos, où il concerne également le cristallin formant le sommet de ce nom, qu'il fait reposer sur les schistes du Toarcien-Aalénien de La Lavine.
Le matériel de l'écaille chevauchante est affecté par un synclinal de Vallonpierre, qui est fortement déversé vers le sud-ouest et qui plonge vers l'est. Son flanc septentrional est constitué par le cristallin du Pic de Vallon Clos, par le Trias de l'extrémité occidentale du vallon de Vallonpierre et par le Lias calcaire, presque renversé, qui forme la crête du Montagnon (voir la première photo de la présente page).
C'est au flanc sud de ce pli qu'appartient le sommet même de l'Aiguille de Morges. Il est constitué par une dalle rocheuse assez fortement redressée composée de plusieurs couches de spilites triasiques. La plus basse de ces dernières repose directement, sans soubassement gneissique, sur les calcaires et schistes du Lias qui représentent l'autochtone relatif du chevauchement.
En fait la surface de chevauchement de l'Aiguille de Morges recoupe en biseau le flanc normal du synclinal de Vallonpierre, qui affecte cette "écaille de Morges", de sorte que le cristallin du Pic de Vallon Clos, qui appartentient au flanc NE de ce synclinal n'est présent que dans la partie septentrionale de l'écaille (voir le seond cliché de la présente page). Cela suggère (mais sans le démontrer) que le chevauchement est sans doute postérieur au plissement. |
Les terrains liasiques de l'autochtone relatif de cette écaille de l'Aiguille de Morges forment en outre une seconde écaille, car ils reposent sur les schistes toarciens du col de Morges par l'intermédiaire d'une semelle de spilites triasiques. Entre la surface de chevauchement de l'Aiguille de Morges et celle du col de Morges les terrains constitutifs de cette écaille intermédiaire (Lias inférieur à moyen) sont fortement reployés en plis couchés.
Le chevauchement de l'Aiguille de Morges contourne par son pied occidental la pyramide sommitale de l'Aiguille, puis il suit le pied sud des escarpements de la crête du Pic de Vallonpierre, en rive septentrionale du Vallon Long (ouvert dans les schistes domaro-toarciens de l'unité inférieure).
Le versant méridional de la crête Morges vu de l'ouest, depuis le col de Morges. La falaise de premier plan à gauche est constituée par la lame de spilites triasiques qui se poursuit sur la gauche jusqu'à former le sommet de l'Aiguille de Morges ; on y distingue des rubanements rouges de cinérites et d'argilites. Le pointement de Lias calcaire qui émerge de l'éboulis, en bas à gauche, appartient à la lame imbriquée immédiatement inférieure à l'écaille principale de Morges. s.pa = surface de la pénéplaine anté-triasique, renversée (= "chevauchement" du cristallin du Sirac sur les terrains sédimentaires) ; ØM = surface de chevauchement de l'écaille principale de Morges ; f.C = faille du col de Clapouse. On voit sur ce cliché que f.C tranche en biais ØM, peu en contrebas nord du col de Gouiran (à gauche du Puy des Agneaux). Cette cassure se poursuit plus à l'est, où elle tranche à son tour ØS, peu au delà du col de la Vallette, fermant ainsi la bande méridionale des affleurements sédimentaires du "synclinal" de Morges. vue plus détaillée du Sirac sous cet angle |
Là son tracé s'abaisse doucement vers l'est et rejoint ainsi, un peu au nord du Puy des Agneaux et du col de Gouiran, la bordure méridionale des affleurements sédimentaires du synclinal de Morges, contre laquelle il vient brutalement buter.
Le versant sud de l'Aiguille de Morges vu du rebord méridional des prairies du Vallon Plat. ØM = chevauchement principal de l'Aiguille de Morges ; ØcM = chevauchement satellite, du col de Morges ; ØcC = chevauchement du col de Clapouse ; f.Cl = faille du vallon de Clapouse ; vers l'ouest (arrière gauche)qui redouble la base de la série sédimentaire au col de Clapouse. Cette dernière cassure recoupe en biseau la précédente au débouché aval du Vallon Long, au creux duquel la barre du Lias calcaire de l'Aiguille de Clapouse se termine en sifflet (sur le cliché cet endroit est masqué par la crête herbeuse qui sépare le Vallon Long du Vallon Plat). (voir le revers de ces crêtes à la page "Navette") |
En fait l'interface cristallin - sédimentaire s'avère ici être constituée par une cassure, la faille de Clapouse. En effet les différentes lames chevauchantes empilées viennent à tour de rôle se faire biseauter (de bas en haut, en la suivant dans le sens d'ouest en est) contre cette surface par ailleurs d'attitude sub-verticale. Les affleurements de dolomies triasiques et de spilites qui la jalonnent sont en fait des lames tectoniques dont la disposition suggère d'ailleurs un jeu coulissant sénestre (déplacement vers l'ouest du sédimentaire de Morges, par rapport au bloc cristallin de Parières - Crupillouse).
Il faut donc admettre que cette cassure a joué plus récemment que la formation des chevauchements du synclinal de Morges. Par ailleurs le rapprochement avec les faits observables peu au sud, en Champoléon, porte à conclure que ces chevauchements de Morges, dirigés vers le S à peu près comme celui du Chaillol, sont, comme lui, anté-Nummulitiques. Lors des déformations post-nummulitiques, la direction et le sens de rejet de la faille de Clapouse amènent à lui voir jouer le rôle d'un accident conjugué avec lafaille de Méollion : elle délimitait, avec cette dernière, un "poinçon" triangulaire, pointant vers l'est s'enfonçant comme un coin dans la partie plus orientale du massif : dans une note ancienne (publication n°084) j'avais désigné ce poinçon du nom de "coin du Haut Champoléon".
Mais ce jeu coulissant, post-nummulitique, de la faille de Clapouse ne correspond sans doute qu'à la remise en mouvement d'une paléofaille : tout le contexte structural indique en effet qu'elle a dû être, originellement, celle qui limitait le bloc de socle (méridional) de Crupillouse par rapport à l'hémigraben de Morges (c'est-à-dire qu'elle prolonge vers le sud-est la grande faille du Désert-en-Valjouffrey (voir la page "Vaurze").
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Navette, Clapouse |
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