Les montagnes de rive gauche de la Maurienne |
Les montagnes de rive gauche de la moyenne Maurienne sont essentiellement organisées autour de 3 vallées entre lesquelles s'allongent de puissants chaînons grossièrement nord-sud. La répartition de ces montagnes par rapport aux zones structurales alpines est la suivante :
1 - La vallée des Villards, que draîne le torrent du Glandon, est très rectiligne étroite et assez encaissée. Elle suit, à l'est dzs massifs cristallins des Sept-Laux et d'Allevard, la bande de terrains tendres constitués par les calcaires argileux du Lias inférieur et les schistes argilo-calcaires du Lias supérieur et du Jurassique moyen de la zone dauphinoise orientale.
f.BE = faille de la bordure orientale de Belledonne. Les tirets roses marquent la limite entre le granite et les roches métamorphiques du massif d'Allevard (non différenciées). Noter son obliquité par rapport à la faille orientale de Belledonne (f.BE).
- Sa rive gauche appartient en grande partie au socle cristallin de
la chaîne de Belledonne (massif d'Allevard). Elle est parcourue, à la
partie basse de ses pentes, par l'interface socle - couverture
sédimentaire, le long de laquelle la vallée s'incrit
en amont de Saint-Colomban des Villards. Cette surface y est très
redressée, parfois basculée vers l'est, et montre
de multiples indices d'un jeu tectonique, notamment par le fait
que ce sont souvent des termes déjà élevés
de la succession stratigraphique qui y sont en contact avec le
socle cristallin. En fait elle ne correspond pas à la surface
de la pénéplaine anté-triasique mais à
une cassure majeure, d'orientation NW-SE, parallèle au
faîte de la chaîne de Belledonne, que l'on peut appeler
la faille de la bordure orientale de Belledonne.
Il est a priori difficile de dire quelle est la part de
la paléotectonique jurassique et celle de la tectonique
d'âge tertiaire dans les dispositions tectoniques qui soulignent
actuellement cette cassure. Toutefois elle coupe en oblique le
pluton granitique de La Lauzière, qui devait nécessairement
(vu son ampleur et son orientation presque N-S) se prolonger nettement
plus loin vers le sud. Or, dans l'axe de ce prolongement (c'est-à-dire
vers le S-SW) l'autre versant de la vallée des Villards
affleure au contraire la bande N-S des gneiss de l'extrémité
septentrionale du massif des Grandes Rousses.
Cette constatation démontre formellement que le rejet
de la faille orientale de Belledonne n'est pas seulement vertical,
mais qu'il a comporté aussi une composante de coulissement,
puisqu'elle a introduit un décalage horizontal des bandes
de socle (alors que les limites de ces dernières sont presque
verticales).
Il est très vraisemblable que ce coulissemnt s'est seulement
surajouté à l'extension jurassique qui avait causé
la formation initiale de cette faille, et qu'il est donc apparu
seulement lors la tectonique compressive alpine. Le sens de ce
mouvement coulissant "tardif" a sans doute été
dextre car on ne peut guère concilier autrement la répartition
des masses rocheuses dans les massif cristallins de part et d'autre
de la faille orientale de Belledonne (et aussi parce que les indices
tectoniques locaux vont dans ce sens).
Ces considérations amènent en définitive
à envisager qu'il faut rechercher l'extrémité
méridionale du pluton de la Lauzière bien plus au
sud que la rive droite de la vallée des Villards, par exemple
dans le granite "de l'Alpette" du massif des Grandes Rousses,.
- La rive droite de la vallée des Villards montre, au sein d'une succession de couches jurassiques à faciès peu différenciées, un empilement de plis à flancs aplatis (s'apparentant à des plis semblables*). En profondeur et contre le socle cristallin (fond du vallon, col du Glandon) les plans axiaux de ces plis sont très redressés. Par contre ils basculent, en se déversant fortement vers l'ouest, dans leurs parties hautes, notamment en ce qui concerne ceux qui correspondent au prolongement septentrional de la couverture sédimentaire du massif des Grandes Rousses, au nord du col de la Croix de Fer.
2 - Le Pays des Arves est une large dépression que draine la vallée de l'Arvan avec ses multiples torrents affluents, ramifiés en patte d'oie. Elle est fermée du côté oriental par le long chaînon rectiligne ds Aiguilles d'Arves, qui la sépare de la vallée de la Valloirette.
image sensible au survol et au clic
La vallée de l'Arvan, vue depuis la rive gauche de l'Arc (arête ouest du Crêt Lognan, à la Montagne
des Coins).
vue d'enfilade montrant une coupe transversale aux lignes structurales
:
ØUD = surface de chevauchement de la zone ultradauphinoise.
a) Les crêtes qui séparent
la vallée des Villards, de la dépression de la vallée
de l'Arvan, depuis le Grand Châtelard jusqu'au Grand Sauvage
(massif des Grandes Rousses), en passant par le col de la Croix
de Fer, appartiennent toujours à la zone dauphinoise
orientale.
Leur versant oriental est presque intégralement formé
de schistes argilo-calcaires du Lias supérieur et du Jurassique
moyen, qui fournissent les pentes des domaines skiables des stations
de La
Toussuire et du Corbier.
Du côté nord ces couches déjà élevées
de la succession stratigraphique s'appuient directement (à
la faveur d'un paléo-abrupt) contre le bloc de socle cristallin
du Grand Châtelard. Par sa situation ce bloc de socle semblerait
à première vue constituer la dernière réapparition,
vers le nord, du bloc des Grandes Rousses. Il est surhaussé
à la faveur d'un accident transverse par rapport au dispositif
fondamental des paléo-failles nord-sud et s'ennoie sous
la couverture (ici en repos normal mais en série réduite),
dès la rive nord-orientale de la vallée de l'Arc.
En fait l'analyse des structures de sa couverture sédimentaire montre que le bloc cristallin du Châtelard se situe en position plus interne (plus à l'est) que les prolongements du bloc des Grandes Rousses : il doit donc représenter le prolongement septentrional d'un bloc plus oriental (celui d'En Paris ou un bloc nouveau, relayant ce dernier vers le nord ?)
b) La vallée de l'Arvan elle-même est également ouverte en majeure partie dans des schistes argilo-calcaires du Lias supérieur et du Jurassique moyen mais la majeure partie de ceux-ci appartiennent à la zone ultradauphinoise dont ils constituent la partie inférieure de la succession stratigraphique.
image sensible au survol et au clic
même fenêtre < image plus grande, muette > nouvelle fenêtre
La vallée de L'Arvan au niveau de Saint-Jean-d'Arves et les montagnes de sa rive droite, vues de l'est, depuis le sommet du Mont Charvin (cliché original obligeamment communiqué par M. Serge Gidon).
De droite à gauche : f.Ch = faille du Chambon
(limite orientale du bloc de socle cristallin des Grandes Rousses) ; f.pN = faille du col des
Prés Nouveaux
; ØUD = chevauchement de la zone ultradauphinoise ; s.M = synclinal du Montzard ; a.T = anticlinal des Torches ; a.V = anticlinal de Valfroide ; s.RB = synclinal du Rieu Blanc ; a.F = anticlinal du Mont Falcon (concernant ces derniers plis voir la page "Mont Falcon")
Les tirets émeraude indiquent approximativement le sommet du colmatage d'alluvions glaciaires.
La surface de chevauchement qui sépare la zone dauphinoise de la zone ultradauphinoise est jalonnée par une bande de gypses parfois épaisse. Elle passe par Saint-Jean de Maurienne et s'élève progressivement, en biais, à flanc de versant vers le sud pour franchir la branche amont de la vallée de l'Arvan à Saint-Jean d'Arves. Plus au sud elle se raccorde, dans le versant occidental du Pic du Mas de la Grave, aux surfaces de chevauchement jumelles de La Grave et des Hières, qui sont des imbrications au sein de la couverture orientale du bloc cristallin jurassique d'En-Paris (mais il est exclu de coordonner de façon directe ces chevauchements avec celui de la Meije, dont l'orientation et l'âge sont différents).
image sensible au survol et au clic
Les crêtes des sources de l'Arvan, vues de l'ouest depuis la crête de la Valette.
d.N = surface de discordance des couches nummulitiques ; a.cG = anticlinal de Combe Génin (d'axe W-E) ; a.F = anticlinal du Mont Falcon (également d'axe W-E mais plus déversé vers le sud) ; ØuD = surface de charriage de la zone ultradauphinoise (= plus au sud "chevauchement de La Grave") ; f.pN = faille des Prés Nouveaux (redoublement associé à des replis, ai sein de la zone dauphinoise orientale)
Les grès et schistes de la zone ultradauphinoise (flysch des Aiguilles d'Arves) ne donnent pas, au nord d'Albiez (dans la crête de Casse Massion) des reliefs plus hardis que sur la rive droite de la Maurienne. Par contre plus au sud la base de ce flysch s'enrichit d'une puissante masse de conglomérats qui donnent de forts abrupts qui culminent avec les Aiguilles d'Arves. Les couches y montrent pourtant la même structure simple, s'apparentant à celle d'un crêt dont l'abrupt regarde la vallée de l'Arvan, tandis que son revers s'enfonce vers l'est sous les terrains des zones plus internes, avant d'atteindre la vallée de Valloire.
Le soubassement du Nummulitique montre, avec une grande évidence, les traces d'un ancien plissement (qui avait été qualifié d'arvinche). Ses plis, grossièrement est-ouest, sont coupés en discordance* par la transgression* nummulitique. Bien que ses plis soient droits ou même déversés vers le sud, il faut sans doute voir, dans cet épisode de plissement, l'équivalent des chevauchements à tracé est-ouest du massif du Pelvoux (celui de la Meije est déversé vers le nord mais celui du Chaillol a, au contraire, une vergence sud) et des plis anté-sénoniens du Dévoluy (dont la vergence est également orientée tantôt vers le nord, tantôt vers le sud).
3 - Les montagnes de Valloire sont essentiellement drainées par la vallée de la Valloirette mais comportent un secteur oriental dont les torrents se jettent directement dans l'Arc.
- La vallée de la Valloirette elle même a un tracé grossièrement parallèle à la limite entre la zone ultradauphinoise (qui forme l'essentiel de sa rive gauche) et les nappes d'origine interne (cette ligne est traditionnellement appelée le "chevauchement pennique frontal").
En fait, le torrent suit approximativement
la surface supérieure des calcaires du Dogger des unités
subbriançonnaises, en s'inscrivant dans les terrains
plus tendres (Terres Noires ou calcschistes du Crétacé
supérieur) qui forment la partie haute de la succession
de ces unités, au coeur d'une structure majeure, le synclinal
de la Valloirette, qui se prolonge loin en rive droite (au
nord) de l'Arc, par le synclinal de Varlossière.
La surface de chevauchement de la zone briançonnaise court
à flanc de versant en rive droite. Ce n'est qu'en amont
de Valloire
que cette rive possède des reliefs hardis (chaînon
de la Sétaz)
: ils y sont dus à la présence, en synclinal dans
les schistes et grès houillers, des quartzites et des puissant
calcaires dolomitiques du Trias, typiques de cette zone.
- Les vallons de Valmeinier et de Bissorte drainent un pays de montagnes molles et sans prestance, qui sont constituées par des alternances de grès, de conglomérats et de schistes d'âge carbonifère (= Houiller). Ces couches représentent le soubassement de la zone briançonnaise, qui y affleure, comme en rive droite, au coeur d'un puissant anticlinorium.
image sensible au survol et au clic
Panorama des montagnes de la rive gauche de la Maurienne en aval de Modane,
vu du nord depuis la Cime de Caron (rive droite de la Maurienne).
a.S = charnière anticlinale des Sarrasins, à la bordure orientale de la zone houillère briançonnaise. f.D = accident (faille) des Drayères.
N.B.1 - Les couches du Houiller sont affectées de nombreuses charnières, en général déversées vers l'est, qui se voient mal et qui n'ont malheureusement pas été inventoriées sur la récente carte géologique à 1/50.000°, feuille Névache. On a seulement représenté la grande charnière qui semble affecter la Pointe de la Sandonière.
N.B.2 - le houiller moyen, très développé sous le lac de Bissorte et dans le soubassement de la Pointe des Sarrasins, diminue progressivement d'épaisseur le long du revers est de la crête et fait finalement défaut sous le Thabor : ceci est dû à une discordance* stratigraphique du Permo-Trias (qui débute ici avec le Verrucano).
(image plus grande et autres commentaires à la page Valmeinier)
La crête la plus orientale, c'est-à-dire le chaînon
du Mont
Thabor et de la Crête des Sarrasins, sépare ce
domaine du grand Vallon du Charmaix, qui monte de Modane au col
de la Vallée étroite. Par ses affleurements de quartzites
et de calcaires dolomitiques du Trias, elle représente
un peu le symétrique du chaînon de la Sétaz,
par rapport à l'axe de l'anticlinorium briançonnais.
La réapparition de ces terrains traduit le fait que l'on
se trouve là sur le flanc oriental de cet ensemble plissé,
qui commence à se déverser vers l'est (cf coupes). C'est en raison de cette
géométrie, à double déversement, que
cet anticlinorium fut appelé "éventail briançonnais".
De fait les terrains de cette zone se renversent en chevauchement
sur les schistes lustrés, à l'est du col de la Vallée
étroite, dans le chaînon des Rois Mages.