Croise Baulet |
Le sommet de Croise Baulet (2236 m) est situé sur la ligne de partage des eaux entre bassins de l'Arve et de l'Arly, à quelque distance du revers oriental de la chaîne des Aravis. Très visité, notamment au départ de Megève, il offre un très large panorama, particulièrement splendide en direction des Aravis et de la chaîne du Mont-Blanc.
Du côté oriental l'entaille des ravins qui descendent vers Cordon donne une assez belle coupe naturelle : elle montre comment est déformée l'épaisse série d'alternances de marnes et de calcaires argileux noirs du Bajocien. On y voit beau système de plis couchés (mais il faut tenir compte de ce que la forme de ces accidents est un peu caricaturée dans le sens d'un étirement horizontal, du fait que cette face est de la montagne n'est que peu oblique aux axes des pli).
En fait cette structure plissée s'avère affectée d'un complexité supplémentaire. En effet le Bajocien des pentes sous le sommet, disposé à l'endroit, recouvre directement la bande de Terres Noires du synclinal de Croise Baulet. Cela semble correspondre à une bande de plis en couple (associant deux plis consécutifs) dont le pli anticlinal supérieur a été rompu. Quoi qu'il en soit cela a abouti à la formation d'un chevauchement supérieur de Croise Baulet, qui coupe en biseau aigu les couches les couches obliques du flanc inverse intermédiaire de la bande plissée. D'autre part les ravins inférieurs sont affectés par un chevauchement inférieur de Croise Baulet qui montre un style différent en tranchant les couches selon un angle plus ouvert. De plus l'axe du crochon anticlinal en genou des Seytets que détermine cette faille, paraît plus orthogonal au versant que celui du synclinal de Croise Baulet et la forme du pli est moins couchée : il se peut donc que ces deux plis ne soient pas de la même famille ... |
En outre les couches de la crête sommitale dessinent un spectaculaire synclinal couché que l'on voit à l'antécime nord (2216), en coupe transverse et selon son axe, depuis le sommet de la montagne : il s'agit sans doute aussi d'une bande de plis en couple, mais de plus petite taille et que l'érosion a amputé ici de sa partie supérieure.
Sur son versant méridional (ravin des Grandes Lanches) la montagne de Croise Baulet apparaît comme entièrement formée le Bajocien ; ses couches sont bien parallèles sauf à deux niveaux où elles manifestent un changement d'inclinaison :
- Peu en contrebas du sommet, vers 2100 m (sous l'épaule 2194 de l'arête SW), le versant est traversé par une bande de plissement* où les couches sont fortement rabattues vers l'ouest par la charnière synclinale inférieure mais où la charnière anticlinale supérieure est apparemment rompue en chevauchement. Ce dispositif se raccorde en fait sans ambiguïté avec celui du beau synclinal couché de Croise Baulet dans le versant est de la montagne ; il se poursuit en versant ouest par la partie haute du talus marneux que domine l'arête nord de Croise Baulet.
- Plus bas, 100 m au dessus du replat du chalet de la Leuta (soit l'altitude d'environ à 1850-1900 m) les pendages convergent vers la droite (vers l'est) de part et d'autre d'un niveau marneux qui semble bien constitué par des Terres Noires car il se situe sur la crête SW là où aboutit le talus, déterminé par ces dernières, qui vient du col du Petit Pâtre. Aucune trace d'un raccord synclinal n'étant détectable ici entre le haut et le bas de cette passée de Terres Noires il est à présumer que le redoublement du Bajocien est dû au jeu d'une faille inverse : compte tenu de la position assez basse de cet accident chevauchant il paraît vraisemblable qu'il corresponde au chevauchement inférieur du versant est de la montagne.
Une telle géométrie est très typique des couples de plis créés, lors du cisaillement tangentiel* d'une pile de strates, par le jeu de glissements suivant les surfaces de couches. Elle évoque beaucoup celle que l'on observe dans le chaînon du Mont Joly, en rive opposée de la dépression de Megève, où les rares plis correspondent à de tels crochons de cisaillement.
La bande de plis couplés rompue plissée qui passe à l'altitude de 2100-2150 sur la crête SW de Croise Baulet vue du sud, depuis la Tête de Ramadieu. ØcB = chevauchement supérieur de Croise Baulet (= plan axial de l'anticlinal couché rompu) ; s.cB = plan axial du synclinal couché de Croise Baulet ; les grosses demi-flèches indiquent le sens du cisaillement* (partie supérieure de la pile stratigraphique déplacée vers l'ouest). Les traits rouges indiquent l'inclinaison de la schistosité (s1), telle que l'on peut l'observer sur place (elle se dispose conformément au schéma classique, symétriquement par rapport aux plans axiaux et en éventails convergents vers le coeur du pli) ; s0 = attitude de la stratification. |
Au nord de Croise Baulet la voûte des couches bajociennes du socle de la montagne se prolonge en formant l'échine des Bénés, que coiffe un chapeau de Terres Noires. En bordure orientale de cette échine, à la Croix du Planet, on observe le chevauchement, sur ces Terres Noires, des couches bajociennes qui forment le chapeau sommital de cette butte.
La situation et la disposition de cet accident suggèrent qu'il représente le prolongement du chevauchement inférieur de Croise Baulet. Comme ce dernier il sectionne les bancs, tordus en un crochon légèrement renversé, qui forment sa lèvre supérieure (cette géométrie porte d'ailleurs à l'interpréter comme le résultat de la rupture en étirement du flanc inverse d'un pli-faille).
Les chevauchements de l'échine montagneuse de Croise Baulet sont sans doute en rapports avec les accidents de même type qui se développent sur le versant opposé du col de Niard. C'est le cas notamment pour le chevauchement de la Miaz qui, au nord-ouest du col de Niard, redouble la barre Tithonique (voir la page "Pointe Percée"). Mais ce dernier semble se prolonger en rive droite du torrent de Coeur en contrebas des chevauchements de Croise Baulet et être plutôt à l'origine du redoublement du Bajocien à mi-hauteur des pentes occidentales de la Croix de Tête Noire.
Coupe du versant oriental des Aravis selon la ligne de partage des eaux Arly - Arve ØCB = chevauchement de Croise Baulet ; ØM = chevauchement de La Miaz ; ØA = chevauchement d'Areu ; ØMa = chevauchement de Magland. s.A = synclinal d'Arpenaz ; a.A = anticlinal d'Arpenaz. Failles extensives anciennes : f.G = faille de la Grangeat ; f.R = faille de La Rouelletaz (prolongement de la précédente, décalé par le chevauchement d'Areu ) ; f.pP = faille de la Pointe Percée. (coupe orientée conformément à la la plupart des vues ci-dessus). |
Plus bas encore la cartographie géologique des pentes qui s'abaissent jusqu'à la vallée de l'Arve (mais qui sont trop couvertes de végétation pour montrer clairement, à distance, la disposition de leurs couches) révèle que les Terres Noires s'engagent (d'ouest en est) sous du Bajocien qui avance en chevauchement vers l'ouest. Cela suggère donc qu'il y a là soit un pli couché soit une autre surface de chevauchement qui prolongerait alors vers l'est celle des Quatre-Têtes : ce secteur apparaît alors comme celui où le chevauchement d'Areu "prend racine" au niveau du Jurassique moyen.
Il est presque évident que ces trois chevauchements doivent être les prolongements méridionaux de ceux que l'on voit clairement s'imbriquer en rive opposée de l'Arve : dans ce contexte l'accident d'Areu - Quatre Têtes y correspond au chevauchement de Vange de la rive droite de l'Arve.
En définitive il apparaît que ce style tectonique,
qui consiste en surfaces
de chevauchement peu obliques aux couches, rompant les flancs de grands plis couchés,
est également celui qui régit largement, plus à
l'est et plus bas dans la succession stratigraphique, la structure
du Mont Joly (même si les chevauchements prédominent là par rapport à aux plis)
C'est surtout lui que l'on retrouve aussi, à des variantes près,
dans le massif
de Sixt. |
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