Aperçu global sur la stratigraphie du Tertiaire du Bas Dauphiné |
Les dépôts tertiaires forment pratiquement tout le substratum du Bas Dauphiné car leur soubassement secondaire est resté ennoyé. En effet il n'était pas affecté de plis assez puissants pour porter leurs voûtes anticlinales à une altitude telle que l'érosion ait pu les mettre à nu : c'est en cela que le Bas Dauphiné diffère foncièrement du Bugey.
Les collines du Bas Dauphiné face au débouché de la cluse de l'Isère, vues depuis le sommet de la Dent de Moirans (extrémité septentrionale du Vercors). On voit que les sommets de ces collines s'alignent selon une surface qui représente le sommet du comblement et qui s'élève de la gauche vers la droite depuis l'altitude de 650 jusqu'à celle de 850 m : cela correspond à la surrexion isostatique post-Miocène qui a déclanché l'incision des dépôts molassiques par des vallées fluviatiles. En particulier l'Isère s'engageait directement dans la plaine de Bièvre avant d'abandonner ce cours pour s'encaisser, en contrebas du seuil de Rives, le long de la bordure occidentale du Vercors. |
A/ Les épisodes sédimentaire successifs :
On peut distinguer 3 étapes chronologiques
dans la formation du remplissage sédimentaire du sillon
molassique périalpin (fig. 6), de
bas en haut :
1 - Le cycle miocène
2. - L'incision messinienne
3. - Le comblement pliocène de la ria rhodanienne
Il en résulte que le remblaiement comporte deux séries emboîtées : à la base, la série miocène développée sur toute la largeur du sillon périalpin et, en son sein, la série pliocène contenue dans l'étroite ria rhodanienne.
1.- Le cycle miocène
Ce long cycle, d'une durée proche de 15 Ma (de - 20,3 à - 5,6 Ma), remblaie le bassin périalpin. Son évolution paléogéographique s'opère en deux temps (fig. 2).
- Initialement (au Burdigalien supérieur/Langhien), s'individualise un premier sillon péri-alpin, étroit et relativement profond, d'implantation géographique très orientale, puisqu'il recouvre le Vercors et la Grande-Chartreuse. Les datations pratiquées au mur permettent d'assigner à cette première transgression en Bas-Dauphiné, un âge voisin de - 17,5 Ma.
- Dans un deuxième temps (au cours du Serravallien), le bassin s'élargit considérablement grâce à une seconde "transgression" qui lui permet d'atteindre à l'Ouest, le Massif Central et, au Nord, la région de Lons-le-Saulnier.
- Dans un troisième temps enfin (entre -12 et - 10 Ma), le bassin se "continentalise" selon un double gradient E-W et N-S. Vers - 6/- 7 Ma, le paléo-Rhône assure le drainage du bassin périalpin intégralement exondé.
2. - L'incision messinienne
L'aggradation continentale qui avait fait suite à l'émersion est brutalement interrompue par une érosion régressive qui entaille la vallée du Rhône messinien au point d''inciser le socle du massif central, au droit de Péage-de-Roussillon sur une profondeur supérieure à 450 m ce qui place le talweg messinien du fleuve vers - 110 NGF. Ce phénomène est considéré comme le résulta de l'abaissement brutal (estimé entre 1600 et 1900 m) du niveau de base endoréique méditerranéen.
3. - Le comblement pliocène de la ria rhodanienne
Chronologiquement,le cycle pliocène est un cycle court (il s'étend de - 5 à - 2 Ma); géographiquement, il se développe dans un bassin à physiographie inusitée : celle d'une ria longiligne (400 km des plaines abyssales à la Bresse), profonde (1300 m au droit du littoral actuel), étroite (quelques kilomètres de large dans ses différentes sections épigéniques).
Dans son déroulement, le cycle pliocène paraît répéter, en accéléré, le cycle miocène : comme lui il débute par des faciès marins qui font place précocement à des faciès continentaux détritiques ; comme lui, il enregistre une brutale interruption d'aggradation de ces conglomérats - le début de l'incision quaternaire est la réplique, pour le cycle pliocène, du début de l'incision messinienne pour le cycle miocène.
B/ Détail des stades de l'évolution paléogéographique néogène
Au cours de ces 18 Ma d'évolution paléogéographique (- 20,3 à - 2 Ma), 9 séquences morphologiques se succèdent:
- au tout début, avant même l'individualisation du sillon périalpin (vers -18 / -20 Ma), un vaste aplanissement (hérité des grands aplanissements paléogènes) incliné vers l'Est, tronque le socle du massif central et sa couverture dauphinoise (paléogène et mésozoïque) ; cette paléotopographie, aujourd'hui enfouie, constitue le "mur" de la série néogène dauphinoise;
- au Burdigalien supérieur (vers 17,5 Ma), la mer périalpine transgresse la gouttière que dessine l'avant-pays en réponse à la surrection des premiers reliefs alpins qu'attestent par ailleurs les dépôts conglomératiques précoces du synclinal de la Monta ;
- au Miocène moyen (Serravallien), le bassin migre vers l'Ouest en même temps qu'il se déforme à l'Est et que la bordure centralienne s'exhausse par un rejeu de failles;
- entre - 12 et -10,5 Ma, d'Est en Ouest et du Nord au Sud, le bassin périalpin émerge dans son intégralité. Simultanément à cette "régression' débute l'accrétion continentale du piémont subalpin et sa progradation vers l'Ouest;
- tardivement (vers -7 / -6 Ma) cette progradation amène le piémont subalpin à déborder vers l'Ouest les limites de l'ancien bassin : le piémont sédimentaire subalpin prograde alors le piedmont centralien;
- l'effondrement du niveau de base endoréique méditerranéen, lors de la crise de salinité messinienne, substitue à cette surface construite une topographie de ravinement (la "surface d'érosion messinienne" des auteurs) axée sur l'incision du canyon épigénique du Rhône (fig. 3) ;
- à l'extrême base du Pliocène (-5 Ma), la remise en eau brutale du bassin méditerranéen transforme le canyon rhodanien et ses tributaires en une ria ramifiée
- au cours du Zancléen (vers - 4 Ma), cette ria longue et profonde est colmatée sur toute son étendue ; ce colmatage est relayé et entretenu par l'accrétion continentale qui va aussitôt reconstituer un second piémont subalpin, emboîté dans le premier piémont miocène;
- cette évolution prend fin avec le début du creusement quaternaire qui transforme l'ultime surface d'accrétion pliocène en paléotopographie fossile selon le même processus intervenu lors du creusement messinien aux détriments du premier piémont subalpin.
C/ Éléments de datation de
la série miocène
Les éléments de datation correspondent surtout à
des gisements paléontologiques (qui sont rares et ponctuels).
Ils permettent néanmoins de préciser les points
suivants :
La base de la série miocène est diachrone (selon
une section SE/NW) à l'intérieur d'une fourchette
chronologique comprise entre 3 et 4 Ma, allant de - 15,5 Ma, à
la base des sables de Saint-Donat, à un âge voisin
de - 12,5 Ma, à l'Ecotet. Cela traduit l'agencement de
cette série en biseau transgressif (fig. 6), qui s'appuie
vers l'Ouest et vers le Nord par un onlap prononcé sur
le bedrock de la transgression.
Au contraire, son toit est considéré comme isochrone,
synchrone du début de la crise de salinité messinienne,
c'est-à-dire de - 5,6 Ma
En son sein, la mégaséquence miocène présente deux types de faciès: marins à la base, continentaux au sommet. Selon un axe méridien (mais également selon un axe W-E), cette transition - qui correspond à la surface d'émersion - est diachrone. Sur une distance d'environ 300 km séparant les gisements extrêmes d'Ecotet et de Pertuis qui la jalonne, ce diachronisme est de l'ordre de 2 Ma (fig. 6). Ce diachronisme d'émersion a également une composante Est-Ouest, moins facile à appréhender dans la mesure où la distance transverse est plus réduite et les points de datation paléontologique alignés selon cet direction beaucoup moins nombreux. Tel est le cas néanmoins des gisements de Dionay et des Envers séparés dans l'espace par une quinzaine de kilomètres et, dans le temps, par 0,5 Ma.
Le diachronisme E-W du front conglomératique peut être estimé. En effet, dans le plus oriental des synclinaux de Grande Chartreuse, celui de La Monta, l'apparition des conglomérats est très précoce, dans une série dont la transgression initiale est de peu antérieure à - 17,5 Ma. A l'autre extrémité du sillon périalpin, ce même faciès n'atteint en onlap la retombée orientale du Massif Central que peu de temps avant le début du creusement messinien, c'est-à-dire vers 7/6 Ma. II aura donc fallu 10 Ma à ces conglomérats pour prograder sur toute sa largeur le sillon périalpin.