Jacques DEBELMAS (1925 - 2018)

par Maurice Gidon (4 avril 2018)


La personnalité et l'activité scientifique de Jacques DEBELMAS lui vaudront certainement des hommages à  l'échelle nationale et locale. Toutefois c'est la géologie grenobloise et celle des Alpes françaises qu'elles ont marqué en premier lieu : C'est à ce titre que la nouvelle de son décès se doit d'être portée à la connaissance des visiteurs du site GEOL-ALP avec quelques commentaires. En outre l’auteur de ce site a beaucoup d’autres raisons de lui rendre un hommage tout particulier. Il a choisi pour cela d'évoquer des souvenirs personnels car il fut, parmi ses collègues l'un de ceux qui le connaissaient de plus longue date.

En effet c’est en 1950, voici donc presque 70 ans, que je fis la connaissance de Jacques DEBELMAS. Il était encore professeur dans l’enseignement secondaire à Rouen, mais avait commencé son travail de thèse qui portait sur le Briançonnais dans la vallée de la Durance entre L’Argentière et Guillestre. Avec mon père, que j’accompagnais alors dans ses recherches sur le massif du Pelvoux, nous avons passé ensemble plusieurs journées à parcourir des secteurs limitrophes de leurs « domaines » de travail respectifs. L’agrément de sa compagnie et la bonne entente qui se manifestèrent alors furent tels qu'il s'en suivit la réalisation, pour le simple plaisir, de plusieurs courses de montagne communes. De là remonte la franche cordialité dans notre relation qui ne se démentit plus dans les années qui suivirent.

Peu après, à l'occasion des travaux pratiques de la licence de géologie qu'il dirigeait, je pus compléter ma connaissance de ses qualités d’enseignant. J'ai alors apprécié tout particulièrement qu'il mette l’accent auprès des étudiants sur l'importance de la maitrise de l'emploi des cartes en géologie ; cela a contribué en tous cas à développer le goût particulier que j'avais déjà pour cette facette du travail géologique qu'est la cartographie. Plus largement c'est lui qui fut l'artisan du développement tout particulier et presque emblématique que cette activité connut à Grenoble.
En 1954 les recherches qui me furent confiées comme sujet de thèse portaient sur le prolongement géographique, vers le sud, des siennes. Aussi son mémoire de thèse, qu’il venait de terminer, a-t-il constitué, en plus d’une base de travail, un véritable modèle. Dans les années qui suivirent c'est encore avec ses conseils et sous son patronage que je pus mener à bien ce travail. Enfin c’est certainement à l’opinion favorable qu’il a dû exprimer alors à mon égard que j’ai eu la chance de pouvoir intégrer en 1963 l’équipe de chercheurs dont il était devenu l’âme et la cheville ouvrière.

À compter de cette date j’ai pu apprécier, pendant 29 ans, les qualités scientifiques, mais aussi humaines (notamment d'ouverture à tous points de vue), qu’il a eu l'occasion de déployer au cours des circonstances diverses qui jalonnèrent la vie de ce laboratoire de géologie alpine. Outre sa lourde part de charge administrative il a su animer notre « groupe du sédimentaire » en mettant ses différents membres à contribution sans contrarier leurs tendances individuelles. Il l’a fait avec un doigté dont lui avons tous su gré, C'est ainsi qu'il a réussi à insuffler dans notre équipe un état d’esprit dépourvu de ces dissensions ou rivalités si courantes dans d’autres universités. Nous lui sommes sans doute en grande partie redevables de ce lien d’amitié qui nous a réunis autour et avec lui, mais que les décès successifs sont en train de rompre.

Je passe sur sa brillante carrière scientifique et universitaire dont des descriptions détaillés seront données ailleurs et dont un aperçu est déjà disponible sur Internet (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Debelmas).

Jacques Debelmas "sur le terrain", en 1964, commentant le paysage du val d'Aoste devant un groupe d'étudiants

Je veux par contre évoquer d’autres aspects des talents de Jacques DEBELMAS, dont les bénficiaires ont largement débordé le cadre de ses collègues de travail.
Il s’agit en premier lieu de ses extraordinaires qualités de pédagogue, qui se manifestaient tant dans ses interventions impromptues (telles que celles de meneur de débats), que dans ses exposés plus élaborés. Les membres des multiples organismes devant lesquels il s’est produit, et notamment ceux de l’Université Inter-âges du Dauphiné, en ont été à maintes reprises les témoins éblouis.
Même au cours de ces toutes dernières années ses prises de parole, sans aucun texte de soutien, étaient aussi brillantes par leur construction que par son élocution était sans faille (je pense notamment aux hommages qu’il a su improviser lors des obsèques de nos collègues récemment décédés).
Il excellait aussi par la plume : son aisance à construire un exposé et l’élégance de son style ont fait de lui un auteur plaisant à lire et dont la pensée était clairement exprimée. En même temps il fut un conseiller précieux et efficace pour tous ceux, nombreux en particulier parmi ses collègues, qui recouraient à son obligeance de lecteur
.

Enfin je n’aurai garde de passer sous silence ses talents de dessinateur et de peintre : ils s’inscrivaient dans une tradition de la géologie grenobloise qui avait été brillamment illustrée à la génération précédente par Léon MORET, mais dont il a brillamment repris l'étendard.
Les croquis qui illustraient ses cours et ses publications étaient élégants et expressifs ; il savait insuffler de la clarté par un contraste entre l'important et le détail et les épurer des surcharges excessives de mentions ou de figurés qui chez d'autres nuisent souvent à la lisibilité. Tous ceux qui ont pratiqué le terrain en sa compagnie se souviennent aussi de son aisance à représenter à main levée un paysage avec son l’interprétation géologique, voir à ébaucher en outre le schéma du processus explicatif proposé.
Le peintre qu’il était dans le privé, maîtrisait les diverses techniques de façon magistrale. Grâce à cela ses créations, qu’il s’agisse d’aquarelles ou de tableaux à l’huile, réussissaient avec un bonheur particulier à exprimer la beauté des éclairages et ambiances qu’offre la nature alpine.

Jacques DEBELMAS, sans parler de sa vie familiale, fut ce que l'on désignait comme un « Honnête Homme », un individu dont l’abord était agréable et chaleureux, un vrai savant, reconnu par de multiples instances sans en être imbu, et, pour finir, un artiste.

Comment ne pourrait-on pas conclure que sa vie a été une exemplaire réussite ?

 


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