Maurice GIDON*
* - Rue des Edelweiss, 38500 - VOIRON, France
RÉSUMÉ - Une analyse détaillée de ce secteur à la fois exemplaire et classique apporte quelques précisions supplémentaires à la connaissance des dispositifs morphologiques aux marges des lobes de piedmont des glaciers alpins quaternaires. Elle lève aussi quelques ambigüités qui subsistaient dans le détail de l'interprétation et des corrélations chronologiques régionales. La grande finesse de l'enregistrement des étapes du retrait glaciaire, dans les secteurs où les conditions topographiques sont les plus favorables, permet de mettre en évidence la complexité du scénario de retrait et le fait que ce dernier n'est en général connu que sous une forme très simplifiée.
MOTS-CLÉS - Würmien, Géomorphologie, Bas Dauphiné.
WURMIAN PERIGLACIAL GEOMORPHOLOGY AND CHRONOLOGICAL CORRELATIONS INSIDE THE VOIRON AREA (BAS DAUPHINÉ, FRANCE).
ABSTRACT - A new detailed geomorphological analysis of this classical area is given and chronological correlations based upon it are discussed. It reveals that the history of the wurmian Isère glacier retirement is more complex than believed, because each main episode involves in fact several secondary steps. The way by which a simple morphology, with only one moraine ridge and its external terrace, is laterally modified in a complex one, with many moraine ridges and associated terraces, is described. It results mainly from erosional processes due to the greater proximity of the successive positions of the glacier front when it leaned on a steep bedrock slope.
KEY WORDS - Wurmian, Geomorphology, Bas-Dauphiné, France.
Le Voironnais est connu de longue date pour avoir finement enregistré les étapes d'érosion et de dépôt contemporaines du retrait du glacier isérois du Würm II, notamment dans sa partie ouest ou "seuil de Rives", qu'entaille la vallée de la Fure (BLANCHARD, 1912 ; BOURDIER, 1961). Le système morphologique qui régit, dans tout le Bas Dauphiné, le relief périglaciaire a déjà été exposé antérieurement (GIDON et al., 1968a et 1968b) ; les principes des corrélations chronologiques qu'il permet d'établir entre ses diverses formes ont d'ailleurs été appliqués au lever et au dessin de la feuille Voiron de la carte géologique à 1/50.000° (GIDON & STEINFATT, 1970), puis de la 2° édition de la feuille Grenoble (GIDON & ARNAUD, 1978).
Outre que quelques retouches et compléments doivent être apportées à ce schéma interprétatif, l'analyse du relief périglaciaire proposée dans ces publications, déjà anciennes, témoignait encore d'un certain flottement dans le détail des corrélations. De plus elle n'avait pas été poussée jusqu'au degré de finesse que permet l'exceptionnelle qualité de conservation des formes de relief, en particulier dans l'ouest du Voironnais (quadrilatère Rives - Charavines - Chirens - La Murette), qui est le plus illustratif à cet égard : cela justifie qu'on en propose une description plus détaillée que celle des cartes à 1/50.000°, dont l'échelle est insuffisante pour en traduire la complexité (d'autant plus qu'elles doivent, concurremment, donner aussi une représentation de la nature du matériel quaternaire et de la répartition des affleurements du bedrock molassique miocène...). ? cette occasion seront aussi rectifiées quelques erreurs de corrélation chronologique commises dans le dessin de la feuille Voiron : un examen critique des données de terrain montre en effet que celles-ci sont suffisantes pour lever toutes les incertitudes dans le secteur analysé ici.
1/ LES DIVERS TYPES DE FORMES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES
Le secteur étudié se trouve dans le rentrant oriental du domaine du Bas Dauphiné qui n'a pas été recouvert par les glaciers au Wurm (fig.1). L'alluvionnement et la morphogenèse y ont enregistré la lutte d'influence qui s'est livrée d'une part entre les avancées glaciaires, avec leur matériel morainique et d'autre part les écoulements d'eaux de fonte. Ces dernières étaient en outre de plusieurs origines, puisqu'il s'agissait d'une part de celles issues des langues de l'Herbétan (vallée de Saint-Laurent-du-Pont - col de la Placette), de l'Ainan et de la Fure (langue du lac de Paladru) et d'autre part de celles issues du glacier isérois (amphithéâtres emboîtés de Rives - La Murette - Voiron - Coublevie) :
a) Les familles de formes reconnues :
La présente étude a conduit à délaisser la notion de "surfaces marginales" (GIDON, et al., 1968a) car elle a montré qu'il fallait subdiviser les zones attribuées à ces dernières en plusieurs constituants. En définitive on peut résumer comme suit la liste des formes reconnues et leurs caractéristiques :
Formes de marge glaciaire :
Il s'agit de celles qui ont été essentiellement créées par la fonte de la glace et pour la formation desquelles les eaux courantes n'ont eu qu'un rôle subordonné.
Crêtes de moraines :
Elles sont souvent très fraîches d'aspect. La hauteur de la crête est de l'ordre de 10 m à 20 m au maximum du côté externe. La dénivellation du côté interne, en général plus forte, est très variable : elle est fonction de l'importance et de la vitesse du retrait qui a suivi le stationnement : elle est particulièrement importante, de l'ordre de 50 m, à la limite des étapes 2 et 3. L'examen de l'ensemble des données amène à conclure que la hauteur et la raideur du rebord interne des vallums sont essentiellement accrues par des phénomènes d'érosion lors des étapes succédant à l'édification de la moraine (de sorte que, pour une même crête, elle varie d'un secteur à l'autre).
Banquettes de retrait glaciaire :
Elles avaient été dénommées "terrasses externes" (GIDON, et al., 1968a), mais ce terme ne parait pas heureux car il a un connotation très fluviatile alors que, notamment, ces banquettes révèlent une nature de matériaux qui varie du fluvio-glaciaire au glaciaire franc.
Elles tapissent la partie interne des amphithéâtres morainiques et correspondent à un épisode de recul relativement régulier du glacier. Toutefois ce mouvement n'a pas été nécessairement d'une parfaite progressivité. De fait des ressauts en escalier y sont communs : ils peuvent traduire soit des accélérations du retrait après une pause soit une entaille par des eaux de fonte, ce qui suppose un épisode de bref stationnement (cette dernière origine est démontrée en plusieurs points). Elles ont une inclinaison perpendiculaire au front glaciaire (dans le cas du glacier isérois : vers le sud) dont la pente varie de 10/1000 à 40/1000 et plus, selon la pente du bedrock sur lequel s'appuie le front glaciaire.
Formes fluviatiles périglaciaires :
Sont désignées ainsi les formes dans la construction desquelles le rôle des cours d'eaux est prédominant.
- Terrasses fluviatiles construites :
Elles représentent l'essentiel de ce qui avait été rangé sous le nom de "surfaces marginales" (GIDON, et al., 1968a). Elles sont dues à l'épandage des matériaux par les eaux de fonte, en bordure externe des moraines, lors des épisodes de stationnement du front glaciaire (elles sont donc à proprement parler "stadiaires"). Leur surface se caractérise par un excellent aplanissement et une pente parallèle à celle de la marge glaciaire, donc des crêtes morainiques. Celle-ci varie de 5/1000 à 10/1000 selon la proximité de la source des écoulements (qui est en général une brèche de la crête morainique). En coupe elles présentent souvent des caractéristiques deltaïques. On les trouve :
1 - immédiatement en marge externe des moraines, avec lesquelles il y a raccord progressif des pentes. Le plus bel exemple est celui de la terrasse de Petit Voye (entre La Murette et Apprieu)
2 - isolées à flanc de pente et ne se raccordant avec aucune moraine : c'est ce qui se passe en cas d'érosion ultérieure de la moraine ou dans les vallées latérales où l'obturation par la glace avait créé un lac, par exemple dans la cuvette de Voiron. En ce cas et sont plus franchement deltaïques (comme on le voyait bien à Saint-Etienne-de-Crossey avant que l'exploitation ait pratiquement tout détruit de l'ancien delta).
- Terrasses d'ablation fluviatile (rives convexes de méandres) :
Elles sont creusées par la divagation des eaux à l'occasion des baisses de niveau de base des effluents glaciaires. C'est pourquoi leur surface est beaucoup moins plane, à tel titre que l'on y voit souvent se dessiner des ressauts dont la courbure est concentrique avec celle des rebords de terrasses qui les dominent. D'autre part la couche alluviale fluviatile y est souvent mince (1 à 2 m), recouvrant une surface entaillée dans un matériau variable, bedrock (nombreux cas) ou matériel morainique (terrasse des Brosses d'Apprieu).
Elles ont cependant, comme les terrasses construites, une inclinaison générale selon l'écoulement des eaux, donc parallèle à la marge glaciaire (dans le cas du glacier isérois : vers l'ouest), ce qui les distingue des banquettes glaciaires.
La distinction entre les deux sortes de terrasses reste, dans divers cas, difficile ; elle est souvent plus étayée par les coordinations chronologiques que par la pure analyse morphologique.
- Vallées mortes :
il faut en distinguer plusieurs sortes
1 - Les chenaux marginaux :
Les vallées mortes de ce type, les plus nombreuses, ont un tracé grossièrement parallèle à celui des moraines. Cela indique bien que ces chenaux se sont creusés en contournant le front glaciaire et sont dûs à l'évacuation d'eaux de fonte. En fait ils se sont formés de deux façons. Certains résultent de ce que les eaux ont suivi exactement la marge des moraines parce que ces dernières étaient serrées contre la pente ; ils sont alors garnis d'un fond alluvionnaire contemporain de l'accumulation morainique et méritent la notation "s", comme les terrasses construites (voir plus loin). D'autres se sont creusés, souvent plus à l'extérieur de la marge morainique, d'abord par entaille dans les terrasses stadiaires, à partir d'effluents s'échappant d'une brèche maintenue ouverte dans une crête morainique, lors des étapes de retrait ayant suivi sa construction : ils méritent alors la notation "r", comme les terrasses d'ablation.
2 - Les chenaux radiaux.
Ils se caractérisent par leur disposition à peu près perpendiculaire au front du glacier, orientation qu'ils gardent sur une distance d'ordre kilométrique, avant de rejoindre un chenal marginal, du côté externe de la ligne de moraine. Ce dispositif, surtout illustré aux environs de Charnècles, est lié à une dénivellation médiocre entre les lignes morainiques successives, de sorte que les eaux qui s'échappent des brèches de la moraine peuvent facilement réutiliser le trajet qu'elles empruntaient déjà au stade précédent, alors qu'elles ne peuvent pas s'en frayer un nouveau entre les crêtes morainiques des deux stades, qui ne sont pas séparées par une dépression marginale suffisamment profonde et continue. Ils étaient considérés comme l'une des caractéristiques de la surface marginale mais résultent en fait plutôt de circonstances locales particulières.
3 - Les méandres fluviatiles suspendus, qui sont ici surtout représentés par d'anciens cours de La Fure, abandonnés et isolés au dessus d'un rebord d'érosion par le creusement d'un lit plus récent.
Autres formes :
Plusieurs autres formes viennent interrompre la continuité des formes proprement périglaciaires. Elles ont été figurées mais traitées à part, sans notation chronologique sur les figures 3 et 5, en raison du caractère illusoire d'une datation précise sur les seules bases morphologiques ; ce sont les suivantes :
- Cônes de déjections. La plupart d'entre eux sont en relation de superposition avec des terrasses ; l'on peut donc en déduire l'époque la plus récente jusqu'à laquelle ils ont certainement fonctionné, sans que cela indique toutefois que leur fonctionnement ne s'est pas prolongé plus tard.
- Surfaces alluvionnaires de fond de vallée : elles posent un problème chronologique identique car l'age de leur colmatage le plus récent est indéterminable et leurs relations d'emboîtement dans les autres surfaces indiquent seulement quelle est l'age maximum du creusement du lit qu'elles occupent.
- Entailles de ravins latéraux, recoupant de façon presque orthogonale les formes périglaciaires (moraines et rebords de terrasses) et débouchant sur des cônes de déjections. Ils sont attribuables à des ravinements relativement récents créés par érosion régressive sur les rebords créés par l'évolution périglaciaire mais l'inexistence actuelle de cours d'eaux suffisants pour justifier l'ampleur de leur creusement implique que celui-ci se soit produit avant l'installation d'un couvert végétal protecteur, donc en climat encore périglaciaire.
b) Les bases des corrélations chronologiques entre formes glaciaires et fluviatiles :
Le fait fondamental est l'existence, presque dès le début du retrait glaciaire, d'un dispositif d'obturation latérale affectant d'importantes vallées qui débouchaient sur la marge est et nord de la langue de piedmont du glacier isérois. Ces dernières étaient partiellement occupées, du côté septentrional par des langues du glacier rhodanien, ce qui conférait aux cours d'eaux qui s'en échappaient un débit très supérieur à l'actuel et un sens d'écoulement vers le sud, c'est à dire vers le front du glacier isérois (fig.1). De ce fait il y a eu contrôle de la morphologie fluviatile, due à ces écoulements, par le niveau de base dû au barrage glaciaire isérois. C'est cette particularité qui est utilisée comme base de coordination chronologique entre les deux types de formes. Le schéma est le suivant :
Au fur et à mesure de son retrait, le glacier isérois du Würm II a dégagé progressivement le versant sud-est du seuil de Rives, qu'il occupait alors (la surface du bedrock molassique descend effectivement vers le SE jusqu'au sillon de la vallée de l'Isère). Les diverses eaux de fonte, rassemblées avec celles de la Fure, ne pouvaient s'échapper qu'en contournant ce glacier par sa marge ouest : si, au maximum d'extension de la glace et jusqu'au stade 2, une grande partie a pu ainsi s'écouler par la plaine de Bièvre, par contre dès le début de la 3° étape de retrait elles ne le pouvaient plus. En effet le glacier s'appuyait alors, à Parménie, contre le promontoire oriental du plateau de Chambaran, à une altitude inférieure au niveau atteint par le colmatage de cette dernière : les eaux ont alors pu suivre le bord ouest de la langue glaciaire et rejoindre, vers le sud, la plaine de la basse Isère en s'insinuant entre le front glaciaire et l'éperon rocheux de Parménie. A partir de ce moment chaque étape de retrait du glacier s"est accompagnée d'une migration latérale de la position du cours de l'ancienne Fure (qui cherchait globalement à coller à la limite de la glace) et d'un abaissement du seuil qu'elle devait franchir du côté sud pour pouvoir rejoindre la vallée de l'Isère. L'altitude de ce dernier constituait notamment le niveau de base des alluvionnements et des recreusements successifs du lit utilisé.
2/ L'AGENCEMENT SPATIAL ET CHRONOLOGIQUE DES FORMES
a) Le principe du découpage chronologique
L'agencement des diverses formes traduit le fait qu'il y a eu une succession d'épisodes au cours desquels ont prédominé alternativement soit le retrait relativement progressif soit le stationnement du front glaciaire. Les stationnements peuvent être, comme il est classique, pris comme repères de découpage chronologique : ils définissent des "stades" sensu-stricto, servant de base à une numérotation. Toutefois, à l'échelle de temps très fine où nous nous plaçons, cette notion de stade mérite d'être précisée et analysée plus en détail.
L'intervalle de temps compris entre deux stades sera qualifié ici d'intervalle interstadiaire. Il sera repéré arbitrairement (et parce que c'est ce qui est le plus commode sur le terrain) par l'intervalle topographique entre le rebord interne de la crête morainique du premier stade et celui du suivant. Il est considéré comme l'unité majeure du découpage chronologique (fig.2). Chaque intervalle englobe à son tour une succession d'épisodes. Il débute donc par des épisodes de retrait (plus ou moins rapide et plus ou moins continu) et se termine par un épisode de stationnement (ou "stade" proprement dit).
b) Le codage des notations utilisées ici
Pour représenter correctement sur une carte les diverse formes inventoriées, en indiquant leurs rapports aussi bien en terme de logique de formation que de relations chronologiques on a adopté un code de notations prenant en compte à la fois ces deux aspects (fig.2).
Il importe de souligner que c'est l'age de la surface et la nature du processus de sa construction qui sont fondamentalement retenus et que la nature du matériel éventuellement rencontré en profondeur (même à une faible profondeur, de quelques mètres) n'est pas concernée. C'est ainsi qu'une surface notée 2R (c'est à dire due à une érosion fluviatile au cours du retrait de l'intervalle interstadiaire 2), peut parfaitement masquer des alluvions glaciaires du stade 1, ou du bedrock miocène, qui seraient éventuellement accessibles en tranchée ou forage à seulement 1 ou 2 m de profondeur.
c) Les variations par rapport au thème fondamental.
Tout d'abord divers scénarios peuvent intervenir dans un intervalle interstadiaire. Ils varient en fonction de la régularité du retrait glaciaire et/ou de l'ampleur de ses mouvement oscillatoires (surtout en ce qui concerne les épisodes stadiaires). Ces facteurs ont d'ailleurs pour effet de modifier les modalités de construction des dépôts proprement stadiaires (fig.2) mais ce sujet sera laissé de côté car les formes résultantes ne diffèrent que par d'infimes détails (mais ces variétés de processus peuvent expliquer des différences entre les coupes éventuellement observables ou des "anomalies" telles que la présence d'alluvions litées dans le corps même d'une crête morainique).
Il faut remarquer aussi que seules sont enregistrées, comme on le sait, les étapes de retrait qui n'ont pas été suivies d'une crue glaciaire qui ait fait revenir le glacier plus loin que le secteur alors abandonné : les autres ont été effacées par la recrue glaciaire. Il en résulte que, malgré une apparence d'enchaînement continu des formes emboîtées, l'enregistrement des étapes du retrait glaciaire est vraisemblablement discontinu, avec des hiatus non repérables. Toutefois l'existence d'un enchaînement réel des étapes parait ici bien établi en ce qui concerne les épisodes au sein d'un intervalle donné (notamment au sein de l'intervalle 3, par la progressivité des changements intervenus, surtout en ce qui concerne la migration des méandres de la Fure)
On constate en tous cas que certains épisodes de retrait ont donné lieu à des surfaces uniques, seulement accidentées de petites dénivellations sans véritable continuité tandis que d'autres peuvent être décomposés en plusieurs saccades. En fait l'analyse cartographique fait clairement ressortir qu'il y a une grande variabilité d'un secteur à l'autre pour la même tranche de temps et que la manière dont le retrait s'exprime dans la morphologie dépend beaucoup de la place disponible pour l'édification des formes (fig.2) : celle-ci est d'autant plus grande que le front de la langue glaciaire s'appuie sur des pentes faibles, car cela libère des espaces d'autant plus larges pour une même perte d'altitude de la surface de la glace ; il en résulte un étalement dans l'espace et, de ce fait, l'enregistrement avec beaucoup plus de détails des saccades, hésitations et oscillations du retrait glaciaire. Ceci est particulièrement bien illustré par la comparaison des morphologies de la 3° étape de retrait dans les différents secteurs de la région étudiée.
L'analyse de terrain montre en outre que le passage d'une morphologie complexe, riche en épisodes, à une morphologie simple, avec un ou deux épisodes seulement, se fait essentiellement par suppression des épisodes intermédiaires sous l'effet d'une érosion due aux eaux contournant la marge glaciaire : l'efficacité de celle-ci s'accroît lorsque la distance horizontale entre les positions successives du front devient faible en raison de la forte déclivité du bedrock. Ceci est très clairement illustré par les relations des divers éléments morphologiques du vallum de Chirens, notamment sur la transversale passant entre cette localité et celle de Clermont (fig.3) . On assiste en effet là, du sud-ouest vers le nord-est, au rétrécissement progressif puis au biseautage des formes de relief appartenant à un intervalle donné (1, 2 ou 3) par un fort rebord d'érosion, en contrebas duquel s'encastrent les surfaces du suivant. Ceci est évidemment lié au fait que le glacier s'appuyait là sur une surface de bedrock qui devient de plus en plus fortement déclive vers le nord-est (en se rapprochant de la rive nord de la vallée).
3/ LES CARACTERES DES ÉTAPES DE RETRAIT ENREGISTRÉES
En définitive les corrélations entre les formes rencontrées dans la coupe clé de la vallée de la Fure, depuis sa source (Lac de Charavines) jusqu'à son débouché dans la plaine de l'Isère (Tullins), conduisent à les répartir entre six étapes majeures ("intervalles") dont cinq surtout ont laissé leur empreinte bien analysable (fig.3 et fig.6) :
L'intervalle 0 correspond aux crêtes morainiques les plus élevées, à vrai dire observables à titre de lambeaux discontinus, fortement disséqués. Il n'a pas laissé de traces de morphologies rapportables à un épisode de retrait préliminaire, du moins dans le bassin de la Fure. Sauf cette dernière observation on serait donc tenté d'y voir les traces du maximum du Würm II. Or ceci n'est pas confirmé par les corrélations avec les dépôts attribués à cet âge en Bièvre (limons du Not) et en Basse Isére. Bien que ces corrélations soient faites à assez longue distance pour laisser subsister un risque d'erreur elles portent à y voir les moraines les plus internes du Riss.
L'intervalle 1 est celui qui se termine (au delà de la limite ouest de la carte de la fig.3) avec le stade morainique de Mi-Plaine, dans la Bièvre, où il est considéré unanimement comme le plus externe du Würm II. Il est surtout représenté ici par les vastes nappes alluviales des environs d'Apprieu. Si ses dépôts glaciaires sont peu visibles dans la morphologie c'est parce qu'ils ont été érodés par les divagations des puissants effluents glaciaires des stades ultérieurs et notamment du stade 1. En effet on retrouve très généralement du matériel glaciaire sous la terrasse 2R dans les différentes coupes fournies par les entailles des routes ou des carrières de tout le secteur compris entre Apprieu et le lit de la Fure.
On remarquera enfin que, de tous dépôts attribuables au Würm, les plus anciens reconnus ne sont pas des moraines mais des nappes alluviales (notées 1R et 1r). Cela veut dire d'une part que ces glaciers ont dû ne pas stationner suffisamment pour laisser des moraines au point maximal qu'il ont atteint et, d'autre part que la véritable ligne du maximum d'extension des glaciers du Würm est plus externe que celle des moraines 1M (qui n'est que la première étape dans le retrait).
L'intervalle 2 se termine avec le stade morainique de Beaucroissant (dont les crêtes forment la limite sud-est de la plaine de Bièvre, à l'ouest de Rives). C'est celui qui présente les morphologies stadiaires (moraine et terrasse marginale) les plus largement conservées et les plus proches du schéma fondamental.
L'intervalle 3 est au contraire complexe : il s'avère être celui où le recul a été à la fois le plus important et peut-être le plus hésitant. On peut particulièrement en détailler les épisodes dans le secteur compris entre Rives, Saint-Cassien et La Murette, où sa morphologie s'exprime le plus largement.
Il y débute par quatre épisodes de retrait (3R1, 3R2, 3R3 et 3R4) marqués par de brefs stationnements qui ont produit localement des ébauches de bourrelets morainiques bordés de chenaux marginaux, notamment à La Murette. Cet intervalle se poursuit par un premier épisode de stationnement (3s, 3M) qui est caractérisé par des moraines souvent dédoublées mais dont le dessin reste peu affirmé. Une dernière saccade de retrait (3"R) précède l'épisode de stationnement principal (3"s, 3"M) bien souligné par une crête de moraine également double (témoignant donc encore de saccades).
Le plus souvent les deux lignes de bourrelets morainiques 3M et 3"M ne sont séparées que par une zone étroite rapportable à l'épisode 3"R (fig.3). Cette circonstance est, pour une large part, la cause de la présence de chenaux radiaux qui traversent les moraines externes (3'M), ce qui aboutit au total à une morphologie fragmentée, relativement confuse (interprétée précédemment comme une "surface marginale"). Ces chenaux radiaux partent des brèches de la moraine interne (3"M) pour rejoindre finalement le chenal marginal de la moraine externe, qui passait aux emplacements actuels de L'Agnelas, Haut-Saint-Cassien, Réaumont et Rives. Ce chenal de Réaumont a ainsi déjà vu son creusement s'accentuer ; de plus il a été réutilisé au cours de l'intervalle suivant, pour drainer certains de ses effluents (aux épisodes 4'R à 4"'s), principalement celui issu de la brèche morainique de Saint-Cassien, avant d'être abandonné par les eaux : aussi constitue-t-il maintenant l'une des plus belles vallées mortes du secteur.
La cartographie des rebords de terrasse et des vallées mortes conservées dans la vallée de la Fure permet de reconstituer avec une grande précision le dessin des méandres qui se sont entaillés progressivement pendant le creusement de cette vallée(fig.4). On perçoit même assez clairement leur migration progressive vers l'aval, conformément au schéma le plus classique. Cette observation étaye l'idée d'une succession sans hiatus des épisodes repérés.
En définitive la complexité de cet intervalle porte à se demander s'il ne devrait pas être franchement subdivisé en deux. Ceci ne serait toutefois pas pertinent car on constate que, dans les autres secteurs sa morphologie se simplifie parfois jusqu'à ne plus justifier la distinction des deux sous-intervalles 3 et 3" : les crêtes morainiques, notamment, se ramènent à un seul groupe lorsque l'on en suit la trace dans les secteurs où la pente du bedrock est plus accentuée, par exemple à l'est de Voiron (moraines de Croix Bayard).
L'intervalle 4 occupe une moindre largeur et ses surfaces ne s'emboîtent que relativement peu en contrebas du 3. On y distingue cependant, à l'ouest de Voiron (entre Charnècles et Le Placire), plusieurs faisceaux assez distincts de crêtes de moraines : ils se laissent en fait répartir en trois sous-intervalles (4', 4" et 4"'), chacun doté d'une banquette de retrait (souvent étroite en ce qui concerne 4" et 4"') et de dépôts stadiaires marginaux. Comme pour l'intervalle 3, ce dispositif se simplifie au sud-est de Voiron (Coublevie) mais il y laisse néanmoins distinguer ses trois lignes de moraines, séparées par leurs chenaux marginaux respectifs (fig.6).
Les intervalles 5 et 6 sont apparemment moins complexes ; ils inscrivent en général leurs formes fortement en contrebas de celles du précédent, dans les basses pentes du seuil de Rives et dans la région de Voiron où la morphologie est assez particulière, comme on le verra plus loin (fig.6).
4/ LES PROBLEMES DE CORRÉLATIONS CHRONOLOGIQUES
a) Les corrélations dans le cours supérieur de la Fure
Dans toute la partie aval de la vallée de la Fure, comprise entre Rives et Le Guillermet, les corrélations à base purement morphologique fonctionnent sans aucune difficulté grâce à l'emboîtement d'un nombre suffisant de fragments de surfaces. De plus beaucoup de ces dernières sont continues sur des distances telles que l'on peut évaluer leur pente avec assez de précision pour avoir un bon contrôle altimétrique des corrélations (fig.5B, partie gauche). En amont de ce point, c'est à dire dans le secteur où s'effectuent les connections avec le système de marge glaciaire de la langue du lac de Paladru, les choses sont moins nettes car les fragments de surface sont moins nombreux et plus discontinus. Aussi le recours à une construction graphique est-il absolument nécessaire pour dégager une certitude (fig.5A).
Au total les données disponibles laissent néanmoins conclure à une absence de toute ambigüité dans les corrélations entre les formes de la marge glaciaire iséroise et celles de la langue rhodanienne de la Fure. Elles amènent à modifier dans ce secteur une partie des corrélations adoptées sur la feuille Voiron (par rapport à laquelle on est amené à accroître l'age des terrasses situées à l'est d'Apprieu, savoir celles de La Croisée de Bonpertuis et Chateney, ainsi que celui de la moraine du Bois de l'Arbre et de Clermont, en rive gauche de la Fure).
b) Les corrélations avec le bassin du Val d'Ainan.
Les différences d'aspect entre les formes du bassin de la Fure et celles du Val d'Ainan
Les formes de la marge glaciaire de la langue rhodanienne de l'Ainan dessinent, à Chirens, un amphithéâtre très spectaculaire, d'un rayon d'ordre seulement kilométrique. Elles s'y organisent autour de deux belles lignes de moraines emboîtées, savoir celle des Brosses, la plus interne, et celle de Garangère, plus externe (fig.3). Celles-ci sont dominées par une crête morainique à relief émoussé (Bois de l'Arbre, village de Clermont est), elle-même installée sur une crête du bedrock et formant ligne de partage des eaux avec le bassin de la Fure. Par son altitude comme par les altérations qu'elle supporte (communication orale de G. MONTJUVENT) cette dernière doit être rapportée au Riss, c'est à dire à notre stade 0.
L'espace disponible entre les lignes morainiques de l'amphithéâtre de Chirens est ici beaucoup plus étroit parce que la langue glaciaire y butait contre une crête de bedrock qui constitue le socle de la Tour de Clermont et des buttes du Bois de l'Arbre. Il résulte de cette étroitesse de la zone marginale que les banquettes de retrait sont pratiquement absentes (ou trop étroites pour être clairement individualisées) et que les terrasses stadiaires sont le plus souvent réduites à un chenal étroit bordant le côté convexe de la crête morainique et entaillant les dépôts plus anciens du côté opposé (celui, concave, de sa rive ouest). Toutes ces surfaces sont coupées et isolées de leurs correspondants aval (de la vallée de la Fure) par la vallée morte de Bavonne, en rive gauche de laquelle ne subsiste aucune trace de forme de relief significative. Le creusement de cette vallée est évidemment dû au passage de l'émissaire de fonte de la langue de l'Ainan car c'est vers elle que s'oriente la pente des chenaux marginaux de l'amphithéâtre de Chirens, du moins au sud du village oriental de Clermont et à partir du stade de la moraine de Garangère.
Le problème, en ce qui concerne leurs corrélations, est donc que ces formes sont presque totalement déconnectées de celles du bassin isérois et notamment de celles, proches, de la vallée supérieure de la Fure. Il se complique du fait que l'aspect d'ensemble de la morphologie y diffère beaucoup de celui qui a cours dans cette dernière de sorte que la recherche des éléments homologues en est rendue plus délicate.
Les repères de corrélations
Les donnés étant rares et non dépourvues d'ambigüité il importe de les examiner de façon précise et critique. Trois manières différentes d'aborder le problème se présentent :
- Connexions morphologiques avec les terrasses de la Fure :
Deux éléments de surfaces morphologiques seulement traversent d'est en ouest la crête périphérique du vallum de Chirens (Bois de l'Arbre) et établissent ainsi l'ébauche d'un "pont" avec des formes la rive gauche de la vallée de la Fure ; ce sont, du sud au nord, les suivants :
1 - La terrasse supérieure du Cueun. Du côté Fure elle se rattache sans aucune ambigüité au niveau 1s (fig.3 A et B). Bien qu'étroite on la suit de façon continue, en rive nord de la vallée morte de Bavonne, jusqu'à la butte 519 du lieu-dit l'Albe. Cette dernière représente donc probablement un lambeau de crête morainique 1M. Or elle domine, du côté est, le beau chenal marginal externe à la moraine de Garangère. Ces deux derniers éléments paraissent donc attribuable au niveau 2s si l'on ne prend en compte que ce seul aspect des choses.
2 - Le chenal Garangère - Contamine. Ce très beau chenal radial, totalement dépourvu de cours d'eau, s'embranche du côté est sur le chenal marginal de la moraine de Garangère. Il descend vers l'ouest (avec une pente de 40/1000), en mordant dans la banquette de retrait plus externe puis dans la moraine 0M du Bois de l'Arbre, jusqu'au hameau de Contamine. Là il est tranché, vers 525 m d'altitude (un peu en amont au point coté 516, à l'aplomb du Guillermet, fig.3), par le rebord d'érosion de la rive gauche de la vallée de la Fure. Compte tenu de ces circonstances son raccord original avec les surfaces de la Fure ne peut être établi que par une comparaison d'altitude (fig.3 A) : il découle de celle-ci que l'on ne peut envisager un raccord qu'avec les surfaces 1s ou 2R, ce qui ferait de la moraine de Garangère, selon le cas, un élément 1M ou 2M.
On voit que la méthode purement morphologique atteint ici ses limites et laisse dans l'incertitude.
- Corrélations altimétriques selon l'axe de la vallée de Bavonne.
La comparaison des altitudes et pentes des surfaces alluviales de l'amphithéâtre de Chirens avec celles des terrasses d'Apprieu par construction d'une coupe Ainan - Fure (fig.3 B) donne des résultats assez nets si l'on admet que le raccord se faisait par des pentes régulières : elle porte alors à coordonner la terrasse des Brosses avec le niveau 2s. Elle n'autorise donc pas l'interprétation du chenal de Garangère en 2s mais suggère pour lui un age 1s, ce qui conduit donc à le rapporter à un sous stade 1s2, immédiatement plus interne que celui du Cueun à l'intérieur du même stade 1.
- Corrélations indirectes entre Ainan et front glaciaire isérois, par l'intermédiaire du secteur de Saint-Etienne de Crossey.
L'importance du creusement de la vallée morte de Bavonne résulte de ce que l'émissaire de fonte de la langue de l'Ainan était considérablement grossi, jusqu'au stade 2 inclus, par les eaux de celui de l'Herbétan (qui empruntait les gorges du Crossey) et de celui du lobe isérois de Saint-Etienne-de-Crossey. En effet ces eaux remplissaient alors, à l'emplacement de cette dernière localité, un lac dont elles ne pouvaient déborder que par le nord-ouest, en franchissant le seuil de Saint-Nicolas-de-Macherin. Au delà elles contournaient par le nord-est les reliefs des montagnes de Vouise et de Bavonne - Regardou (alors réunis par la ligne de moraines 2M du Verdin) et y ont tracé une vallée morte qui court jusqu'à jusqu'à Chirens, (fig.2 et fig.6).
Le fait capital est que les eaux ont édifié dans cette vallée une terrasse que l'on peut dater 2s, car le niveau de son extrémité orientale (510 m à La Pensière, fig.6)), correspond à celui du sommet du colmatage du lac de Saint-Etienne-de-Crossey. Or cette terrasse est restée pratiquement continue et se raccorde presque sans hiatus, et en tous cas altimétriquement, avec celle des Brosses : il est donc clair que cette dernière est d'age 2s.
La mise en oeuvre de cette dernière méthode conduit à lever les ambigüités puisqu'elle donne des résultats à la fois concordants avec la précédente et très compatibles avec le point 2 de la première méthode : la moraine de Garangère doit donc être rapportée au premier stade de retrait du Würm II (et non au stade 2 comme indiqué sur la feuille Voiron).
5/ LES PARTICULARITÉS DE LA CUVETTE DE VOIRON
Cette cuvette, occupée dans sa partie basse par la ville de Voiron et dans sa partie haute par la "zone industrielle des Blanchisseries", est limitée par les reliefs de bedrock du Bois de Bavonne à l'ouest, par ceux de Monure-Vouise à l'est et fermée au nord par les moraines du Verdin qui dessinent un joli vallum 2M à concavité ouverte vers le sud.
La plus évidente de ses particularités est l'interruption sur toute sa largeur, c'est à dire sur plus de 2 km, des crêtes morainiques 3M et 4M. A leur place se développe une morphologie confuse résultant de l'étagement, en escaliers, de multiples niveaux séparés par des rebords de hauteur comparable, qui s'appuient, du côté ouest sur le versant relativement abrupt et à peu près lisse du Bois de Bavonne (fig.6). La distinction, en R, r ou s, des types d'épisodes que ces niveaux alluviaux représentent devient ici pratiquement impossible, sauf par le biais des corrélations altitudinaires. Les coupes observées montrent, surtout dans les niveaux inférieurs (d'ailleurs les plus affectés par l'urbanisation), l'importance de l'alluvionnement fluviatile et même la présence, par place, de limons abondants : ce dernier caractère notamment témoigne d'épisodes de colmatage d'une dépression lacustre.
Ces particularités s'expliquent par l'influence de la topographie sur laquelle s'est appuyée ici la langue glaciaire iséroise. La présence de cette cuvette a entraîné l'engagement d'un lobe de cette langue et, à partir de l'épisode de retrait 3, l'obturation latérale de la dépression, fermée d'autre part vers le haut par les moraines 2M. Il en est résulté la formation d'un lac dans lequel trempait le front glaciaire durant les intervalles 3 et 4, ce qui explique qu'aucune moraine frontale n'ait pu s'y édifier. Ce "lac de Voiron" était alimenté en eaux par la Morge qui y pénétrait du côté est. Or cette dernière évacuait, quant à elle, des eaux abondantes en provenance du lac de Saint-Etienne-de-Crossey : en effet le niveau de ce dernier (lui même dû, depuis l'épisode de retrait 2, à une obturation par un autre lobe de la langue iséroise) s'était alors abaissé sous le seuil de Saint-Nicolas-de-Macherin, par lequel se faisait précédemment, jusqu'au stade 2, l'évacuation de son trop-plein vers Chirens. Ces eaux étaient de plus encore grossies de celles de l'effluent de la langue rhodanienne de l'Herbétan qui rejoignaient Saint-Etienne-de-Crossey par les gorges du Crossey (transformées actuellement en vallée morte).
A la différence du lac de Saint-Etienne-de-Crossey au stade 2, celui de Voiron n'a pas pu développer un beau delta à large surface plane car son niveau baissait par saccades, à l'occasion des multiples épisodes de recul qui caractérisent les intervalles 3 et 4. C'est ce qui explique que l'on y observe des surfaces relativement nettes du côté est, alors qu'elles s'effacent souvent du côté ouest, où s'évacuaient les eaux et où le comblement n'avait pas encore gagné lors de la baisse du niveau.
Pendant tout l'intervalle 3 l'évacuation de ces eaux se faisait entre la langue glaciaire et l'éperon sud-est du Bois de Bavonne (secteur du Mollard), où évidemment il n'y a eu qu'érosion et aucune accumulation. ? partir de 3S, c'est à dire dans le secteur compris entre l'Agnelas et Brunetière, la pente de l'éperon qui limitait la cuvette du côté ouest était beaucoup moins forte : de ce fait des dépôts alluviaux ont pu là recouvrir le bedrock, mais le fond des chenaux s'inscrit néanmoins systématiquement dans ce dernier. Immédiatement à l'ouest des limites de la cuvette le lit de l'effluent, incapable de divaguer car impérativement fixé par la position de la langue glaciaire appuyée sur la pente, s'est imprimé fortement à chaque étape en créant une série de chenaux étagés. Cette <morphologie de collines séparées par des vallées mortes contraste fortement avec celle des replats étagés de la cuvette de Voiron et des Blanchisseries.
Enfin la morphologie du versant ouest de la butte de Monure suggère très fortement qu'il y a eu un tassement de la moraine 2M (comme cela a déjà été figuré sur la feuille Voiron). L'interprétation proposée ci-dessus permet de mieux expliquer cette particularité, peu courante dans cette région, par le fait que cette moraine devait, particulièrement à cet endroit, avoir sa base à la fois sapée par le courant et imbibée par les eaux, toutes circonstances favorables à son glissement gravitaire.
6/ CONCLUSIONS
L'analyse ci-dessus montre que, dans cette région, pratiquement tous les détails de la morphologie sont dus aux influences périglaciaires et qu'aucune retouche grave n'est intervenue dans les reliefs depuis le retrait définitif des glaciers.
Trois aspects sont particulièrement bien illustrés par cette étude :
- Les problèmes de corrélations morphologiques d'un bassin glaciaire à un autre. Ces dernières sont délicates s'il y a discontinuité entre les terrasses aval et les chenaux de la marge glaciaire par lesquels s'évacuaient les eaux qui les ont construites, comme c'est le cas pour les vallums de Chirens. Dans cet exemple l'utilisation des jalons subsistant n'a pas été suffisante ; mais l'emploi de la méthode des comparaisons altimétriques et la connaissance du contexte régional plus large a néanmoins permis de lever toutes les ambigüités.
- Les variations d'aspect du dispositif morphologique périglaciaire. Elles vont, à l'intérieur d'un seul et même stade, de systèmes simplifiés, à moraines proches et dépôts marginaux étroits, jusqu'à des systèmes au contraire complexes et diversifiés avec dépôts marginaux étalés et étagés et moraines multiples. Ces changements d'aspect constituent une difficulté non négligeable dans les coordinations de proche en proche mais elles n'y font pas obstacle si, comme c'est le cas ici, la conservation des témoins morphologiques est suffisante.
Elles sont explicables par deux facteurs distincts qui sont d'une part le rythme des oscillations du retrait glaciaire et d'autre part les différences locales dans la topographie antérieure de la vallée.
- La complexité de détail du dispositif morphologique. La multiplicité des épisodes, mise en évidence à cette échelle de travail dans les secteurs favorables, montre que le découpage en stades successifs n'est en fait qu'une grossière approximation et que l'on pourrait sans aucun doute aller beaucoup plus loin dans la reconstitution du scénario de retrait en procédant à une étude analogue dans d'autres secteurs favorables.
On soulignera enfin que l'excellente qualité de conservation des formes de relief permet ici l'observation de paysages façonnés il y a un peu moins de 50.000 ans, dont la végétation ne parvient pas à masquer la fraîcheur. Compte tenu du degré de finesse que l'analyse des étapes d'évolution du relief périglaciaire y atteint on voit en outre que l'on arrive à y séparer des étapes qui n'étaient donc espacées peut-être que de quelques milliers d'années les unes des autres.
Tout ceci confère à cette région un caractère véritablement exemplaire et en fait un remarquable champ d'étude pour se familiariser avec les formes de paysages quaternaires et leur évolution, et ce d'autant plus qu'il est presque aux portes de Grenoble.
BIBLIOGRAPHIE
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C. BRAVARD, M.GIDON et E.STEINFATT (1970). Carte géologique détaillée de la France à 1/50.000°, feuille VOIRON, 1°édition. <B.R.G.M., Orléans, une carte avec notice explicative de 7 p.
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FIG.1 - Carte de situation.
1, 2, 3 sont les positions des langues glaciaires aux étapes du retrait du Würm II de numéro correspondant.
(N.B. la ligne 1 ne représente pas l'extension maximale du glacier mais son front au moment du 1° stade de retrait).
Les grosses lettres désignent les langues issues du lobe de piedmont du glacier du Rhône :
H = langue de l'Herbétan, A = langue de l'Ainan, F = langue de la Fure.
FIG.2 - Coupes schématiques de 4 systèmes morphologiques périglaciaires illustrés dans la région étudiée (dessins schématiques réalisés sans souci d'échelle) :
A. Système simple, correspondant à un glacier appuyé sur un bedrock fortement déclive. C'est sensiblement le schéma qui correspond à une coupe est-ouest des vallums de Chirens. Une coupe analogue mais avec érosion systématique des banquettes de retrait par les écoulements stadiaires se réalise lorsque la pente est encore plus forte, par exemple sur les pentes du Bois de Bavonne dominant La Murette.
B. Système élémentaire standard, correspondant à un glacier appuyé sur un bedrock peu déclive. Il s'agit du dispositif le plus schématique, à formes uniquement de marge glaciaire, avec une seule banquette et une seule crête morainique : n, n+1, n+2 et n+3 indiquent le mode de numérotation des intervalles dans l'ordre d'ancienneté décroissante.
C. Système plus complexe, proche de celui qui est réalisé à l'ouest de La Murette à l'intervalle 3. Il combine des formes de marge glaciaire à l'intérieur du vallum du retrait en cours et des formes fluviatiles à l'extérieur de ce vallum : les terrasses de creusement fluviatile "r" correspondent chronologiquement aux banquettes de retrait de la marge glaciaire "R" ayant le même numéro.
D. Système complexe, proche de celui qui est réalisé au nord-est de La Murette, à l'intervalle 3. Bien qu'il ne montre guère que des formes de marge glaciaire celles-ci, grâce à une pente de bedrock très faible, sont très "étalées" et montrent ainsi plusieurs sous-étapes.
Légende du codage des surfaces morphologiques :
Chaque notation comporte successivement deux informations :
1/ Le Numéro chronologique de l'intervalle interstadiaire. L'ordre des numéros est croissant dans le sens d'écoulement du temps : le numéro 1 correspond aux dépôts du maximum du Würm II. Ce numéro est le même que sur la feuille Grenoble (mais il est inférieur de 2 à celui de la feuille Voiron).
Dans le cas particulier des intervalles 3 et 4, qui peuvent être subdivisés en plusieurs sous-intervalles, les surfaces formées au cours de ces sous-intervalles sont notées n', n", n"', etc..., à condition toutefois que ces sous-intervalles soient distincts dans le secteur considéré.
2/ Le type de surface et l'épisode auquel elle appartient au sein de cet intervalle : il est indiqué par une lettre majuscule pour les surfaces d'origine glaciaire et minuscule pour les surfaces d'origine fluviatile, soit :
- pour un épisode de retrait :
"R" pour une banquette de retrait glaciaire et "r" pour une banquette d'ablation fluviatile (rives convexes de méandres).
- pour un épisode stadiaire :
"M" pour une crête de moraine et "s" pour une terrasse fluviatile construite.
Cette lettre est suivie d'un numéro si plusieurs épisodes successifs de même type peuvent être distingués dans l'intervalle.
FIG.3 - Carte des surfaces morphologiques du Voironnais occidental (vallée de la Fure, en amont de Rives).
Les petits triangles en marges est et ouest, en bas de carte, indiquent la position de la limite des feuilles Voiron (au nord) et Grenoble (au sud).
La légende des notations est celle de la fig.2.
FIG.4 - Reconstitution cartographique des tracés successifs du cours de la Fure, au cours des étapes de retrait des intervalles 2 et 3.
La migration vers l'aval des méandres est particulièrement bien perceptible au nord-ouest de Petit Voye.
Au sud-ouest de Grand Voye le premier épisode de retrait 3R1 s'accompagne du franchissement de la crête morainique 2M par le cours de la Fure (qui contournait précédemment cette moraine, par le sud-ouest, au stade 2s) : les tracés des épisodes successifs de l'intervalle 3 témoignent de la présence en ce point d'un "noeud" d'entrecroisement de méandres qui est sans doute lié au franchissement de cet obstacle qui a du rétrécir la vallée pendant assez longtemps.
FIG.5 - Deux profils topographiques dans la vallée de la Fure
A - Portion supérieure de la vallée de la Fure, en amont du coude de Bonpertuis.
Les surfaces de chacune des deux rives sont projetées sur une même coupe passant selon l'axe moyen, nord-sud, de la vallée. L'échelle des hauteurs est exagérée 10 fois pour avoir une représentation assez précise des pentes (celles-ci n'atteignent en réalité que des valeurs de quelques unités pour mille). Ce sont les terrasses de rive droite, qui se poursuivent vers l'ouest jusqu'au delà d'Apprieu, (tiers gauche de la coupe : trait plus gras) qui servent de base de référence pour la numérotation chronologique. En effet elles sont parfaitement calées sur la succession d'évènements reconnaissables dans la marge du glacier isérois et, de plus, on en observe une large surface, suffisante pour bien pouvoir en préciser la pente.
On a simplement localisé les principaux témoins morainiques du lobe de la Fure (par un tireté bombé et des pointillés) sans pouvoir les représenter de façon significative. Les deux principaux points de coordination avec la langue de l'Ainan, en rive gauche de la Fure, savoir la terrasse supérieure du Cueun et le débouché du chenal Garangère-Contamine, sont aussi figurés.
B - Portion inférieure de la vallée de la Fure et amphithéâtre de Chirens
La surface de référence fondamentale est celle de la terrasse marginale de Petit Voye (2s) ; elle est, pour cette raison, soulignée en gras.
La coupe est parallèle à la vallée morte de Bavonne et au cordon morainique 2M, donc perpendiculaire à la vallée supérieure de la Fure et aux moraines de l'amphithéâtre de Chirens. Elle fait apparaître avec une grande évidence la nécessité d'attribuer la moraine des Brosses au stade 2M et de rattacher la moraine de Garangère au stade 1M (et non à 2M comme admis sur la feuille Voiron).
FIG.6 - Carte des surfaces morphologiques périglaciaires des environs de Voiron
La légende est celle de la fig.2 et les figurés sont les mêmes que sur la fig.3. La marge gauche de cette carte est commune avec celle de droite de la figure 3. Les petits triangles en marges est et ouest, en bas de carte, indiquent la position de la limite des feuilles Voiron (au nord) et Grenoble (au sud).