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071 - GIDON M. & PAIRIS J.L. (1976) .Géologie alpine, t.52, p. 73-83.


Le rôle de mouvements tectoniques éocènes dans la genèse des structures de l'extrémité NE du Dévoluy et dans celle du chevauchement de Digne. Géologie alpine, t.52, p. 73-83..

par Maurice Gidon et Jean-Louis Pairis


LE RÔLE DES MOUVEMENTS TECTONIQUES ÉOCÈNES DANS LA GENÈSE DES STRUCTURES DE L'EXTRÉMITÉ NE DU DÉVOLUY ET DANS CELLE DU CHEVAUCHEMENT DE DIGNE

par Maurice GIDON et Jean-Louis PAIRIS

FIGURES

RÉSUMÉ.-Le chevauchement de Digne naît à l'extrémité nord du Dévoluy aux dépens de structures faillées NE-SW qui ont déjà fonctionné durant la sédimentation nummulitique avant d'être reprises et en partie déformées en surfaces tangentielles lors des serrages postpaléogènes. Les structures tectono-sédimentaires qui attestent du fonctionnement précoce de ce système de fractures sont analysées et décrites; on envisage leurs rapports avec la fracturation du socle des massifs cristallins externes.

ABSTRACT. - The Digne overthrust first appears at the northern end of the Devoluy. It is formed af-ter North East-South West faulted structures which already operated during the paleogene sedimentation period before acted upon during the neogene contractions, when they were partly turned into tangential sur-faces. The tectonosedimentary structures which are evidence of the early operation of this fracture system are analysed and described; their relationships with the fracturation of the outer crystalline basement are examined.


Dans le cadre du lever des cartes géologiques régulières (M. G. : feuille Saint-Bonnet an 1/50 000) et de l'étude générale des rapports entre la sédimentation nummulitique et son contexte tectonique (J.-L. P.), nous avons été amenés à reprendre l'étude de l'extrémité nord-est du Dévoluy à l'Est du village de Saint-Disdier.

1. Cadre structural post-nummulitique (fig. 1 et 2).

Le massif du Dévoluy est constitué par un synclinorium de Sénonien à cur paléogène superposé à des structures anté-sénoniennes. Ce synclinorium est partagé longitudinalement par une dislocation à caractère chevauchant que nos levés (M. G.) permettent de suivre du Sud au Nord depuis le col du Festre jusqu'au village de Gicon au NE de Saint-Disdier. Cet accident (que nous appellerons chevauchement médian du Dévoluy) a joué après l'Oligocène puisqu'il amène le Néocomien et le Sénonien du plateau de Bure-Aurouze à recouvrir les molasses vertes, conglomérats polygéniques et molasses rouges oligocènes de la bande de Saint-Disdier - col du Festre - Montmaur. Il représente, comme nous l'avons indiqué (M. GIDON, J.-L. PAIRIS, H. ARNAUD, J. APRAHAMIAN et J.-P. USELLE, 1970), l'extrême prolongement septentrional du grand chevauchement de Digne, bien que son caractère de chevauchement devienne progressivement moins accusé puisqu'il ne constitue plus, dès le massif de Céuse, qu'une grande cassure subverticale secondairement tordue en chevauchement vers l'Ouest dans ses seules parties hautes.
A l'Ouest de cet accident et au Nord du col du Festre, les couches sont affectées d'un mouvement synclinal (s. de St-Disdier) dont le flanc est, très modestement représenté, ne peut guère être considéré que comme un crochon rebroussé par le mouvement chevauchant.
A l'Est se développe un synclinorium (s. de Saint-Étienne) qui est subdivisé dans sa partie nord en un synclinal de Rioupes (occidental) et un synclinal du col de l'Aup (oriental).

La recherche du prolongement éventuel du chevauchement médian du Dévoluy (c'est-à-dire du chevauchement de Digne) sur le rebord nord du massif et au-delà de la falaise qui le limite, nous a amené à constater que cet accident vient aboutir dans un « nud de structures » complexe qui se développe dans le secteur du Gicon à l'Est de Saint-Disdier. Les faits que nous y avons relevés y démontrent la grande importance d'une structuration pré- et synpriabonienne qui a certainement fourni le dispositif initial aux dépens duquel s'est développé, lors des serrages postpaléogènes, le chevauchement de Digne.

2. Structure du secteur du Gicon ( fig. 3 ) .

a) Le chevauchement médian du Dévoluy s'observe clairement dans les ravins au Sud du village du Haut-Gicon: on y voit des marnes à intercalaires gréseux (« flysch supérieur de la Souloise »), qui sont un équivalent latéral des grès de Saint-Disdier (Priabonien-Oligocène), reposer sur des marnes et des grès rouges qui sont les termes supérieurs de la série tertiaire du Dévoluy. La zone mylonitisée de la base de ces marnes montre des microplis à déversement NE et axes N 120. Plus au Nord on ne peut douter, malgré l'interruption des observations, que ce chevauchement se poursuit par celui qui détermine un collet au pied de l'éperon nord du Gicon: l'Hauterivien, qui est ici la semelle stratigraphique normale du Sénonien, repose sur les calcaires nummulitiques; ceux-ci sont d'ailleurs renversés sous le contact en un crochon à cur de marno-calcaires nummulitiques affectés par une schistosité très marquée N 170, pentée de 45° vers l'Est: cette schistosité correspond clairement à la disposition du plan axial et nous indique donc que le mouvement chevauchant s'effectuait très sensiblement de l'Est vers l'Ouest.
Au-delà, la cartographie montre que cet accident ne peut se prolonger ailleurs que dans la zone d'écrasement et de friction qui se développe entre 1500 et 1700 m d'altitude dans les pentes du Bois Noir, en rive gauche de la combe de Lucles. Or, la barre tithonique qui vient buter contre cette zone de friction (qui la sectionne) se rebrousse à son contact en un anticlinal aigu qui ne peut en aucune manière résulter d'un entraînement sous un chevauchement, mais témoignerait plus facilement d'un mouvement inverse. C'est aussi ce dont atteste le mouvement de descente rapide des assises valanginiennes et hauteriviennes situées à l'Est de la zone fracturée.
Il y a donc apparemment contradiction entre le rejet en faille normale observable dans les parties profondes et le rejet en faille inverse évident dans les parties élevées. Or la comparaison des deux lèvres au niveau du Sénonien révèle qu'au Sud-Est (Gicon) on observe un Sénonien épais de plus de 200 m tandis que la lèvre nord-ouest montre un Sénonien réduit à moins de 50 m sous la discordance priabonienne: il faut donc admettre que le Sénonien de la lèvre sud-est, actuellement surélevé, était au contraire abaissé au Priabonien (ce qui lui a permis d'échapper beaucoup mieux à l'érosion que celui de la lèvre nord-ouest, surélevée ) .
L'ensemble du dispositif s'explique alors fort bien et nous pouvons donc considérer que nous avons là une faille antépriabonienne à compartiment est abaissé qui a été reprise en chevauchement postnummulitique, conformément au schéma de la figure 4 (1).
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(1) On notera que ce schéma impose, lors de la deuxième déformation, un mouvement différentiel cisaillant entre le Sénonien déplacé vers l'Ouest et le Jurassique resté ancré en profondeur (ce dernier ne participant effectivement pas, ici, au rejet en chevauchement). Effectivement on observe de tels cisaillements notamment le long du contact Sénonien/Hauterivien qui est souvent un peu mylonitisé sur une ou deux dizaines de centimètres: nous ne pouvons pas toutefois suivre J. MERCIER et F. NEVEU (1956), non plus que L. GLANGEAUD et M. D'ALBISSIN (195O) qui avaient conclu à un décollement généralisé du Sénonien (aboutissant à faire de celui-ci une unité tectonique autonome): en effet, il est de nombreux points, notamment dans les pentes dominant le Champsaur, où l'on constate parfaitement que le Sénonien repose par simple transgression, sans trace de tectonisation, sur le Néocomien.

Cette conclusion est d'ailleurs en accord avec les constatations que l'on peut faire dans le reste du Dévoluy quant à la situation de l'accident médian dans le cadre paléogéographique nummulitique: en effet, il sépare partout un domaine occidental à calcaires et marno-calcaires nummulitiques réduits ou absents et tendance à la sédimentation continentale, d'un domaine oriental où ces formations sont plus marines et plus épaisses L'opposition est particulièrement nette au Sud du col du Festre où l'on peut de nouveau comparer les degrés d'érosion du Sénonien: là encore, ses couches sont le plus souvent peu épaisses à l'Ouest de la faille (et même par places, totalement érodées, les calcaires nummulitiques reposant alors sur des terrains antésénoniens) alors qu'il est uniformément très puissant du côté est (Aurouze, Bure).

b) Les failles de la Montagne de Gicon.

La dalle sénonienne de la Montagne de Gicon plonge dans l'ensemble fortement vers le Sud-Ouest. Elle est coupée par plusieurs failles (dont la plus méridionale et la plus importante est celle de Pierre-Baisse) Ces failles, orientées à peu près entre N 160 et N 140 suivant les points, montrent un mouvement de chevauchement vers le Sud du compartiment oriental, mouvement attesté par des charnières à axes N 120 dans leurs tronçons les plus Est-Ouest et par les décalages senestres des contours dans les tronçons les plus méridiens. Toutes s'amortissent, de façon à première vue énigmatique, aux approches du rebord oriental de la Montagne du Gicon (Adroits de l'Aup). Or l'étude plus précise de la faille de Pierre-Baisse a révélé des faits significatifs:

1° dans le secteur des Queyras, là où elle se perd, on observe plusieurs plans de fracture à rejet décimétrique affectant les calcaires nummulitiques, mais néanmoins garnis d'un enduit bréchique qui se fond latéralement dans les calcaires de la lèvre abaissée: il nous parait clair que ces observations trahissent un jeu synsédimentaire Je la fracturation (fig. 5);

2° 400 m plus au Nord-Ouest, à Pierre-Baisse (fig. 3), le miroir de faille, bien dégagé, met en contact des conglomérats du Crétacé terminal et des marno-calcaires nummulitiques; or ce dernier terme stratigraphique, qui vient toujours normalement sur les calcaires nummulitiques, passe ici, sur 10 m de longueur, sous une dalle de calcaire nummulitique qui scelle le contact de faille (fig. 6): il est clair que le soulèvement du compartiment nord-est y a permis la formation d'une récurrence (d'âge par conséquent plus récent) du faciès des calcaires nummulitiques.

Il découle donc des faits ci-dessus que ces failles ont commencé à fonctionner dès l'époque du dépôt des calcaires et marno-calcaires nummulitiques, et peut-être même avant: il s'agit à tout le moins de failles syn-sédimentaires priaboniennes.

c) Les failles du Pic Grillon.

Le Sénonien du Pic Grillon (et des falaises qui lui font suite vers l'Est) est tranché du côté sud par des surfaces très planes et très redressées en même temps que très obliques aux couches (fig. 7); or le puissant conglomérat qui se développe ici, à la base des calcaires nummulitiques, repose stratigraphiquement sur ces surfaces, bien que ses bancs leur soient également très obliques: cette disposition trahit à l'évidence l'ennoiement d'un paléorelief structural sous ses propres débris; les surfaces ainsi conservées sont très vraisemblablement des plans de fractures fossiles dont le fonctionnement date d'une phase d'érosion continentale antérieure au dépôt des calcaires nummulitiques, phase dont ]'existence est attestée ici par les formations marneuses rouges associées aux conglomérats. Le sens des rejets est le même que celui que nous avons mis plus haut en évidence pour le jeu priabonien de l'accident médian du Dévoluy (abaissement de sa lèvre sud-est), il s'agit donc sans doute de failles satellites de cet accident.

d) L'accident des Adroits de l'Aup.

Entre la rive droite de la combe de Lucles et le lieu dit Les Queyras, la dalle sénonienne de la Montagne du Gicon plonge brutalement vers l'Est et fait place à une dépression, le vallon de l'Aup, qui est ouverte dans les marno-calcaires nummulitiques: il y a là une flexure brutale qui rehausse le Sénonien du Gicon par rapport au synclinal de Saint-Étienne - col de l'Aup. En outre, L. GLANGEAUD et M. D'ALBISSIN avaient signalé, dès 1958, la présence aux abords du col de l'Aup de « klippes sédimentaires ». La carte (fig. 3) donne une idée simplifiée de ce dispositif. On constate :
1° qu'il prend naissance au Nord-Ouest du col de l'Aup par une fracture qui se détache vers le Sud de l'extrémité septentrionale de l'accident médian du Dévoluy et détermine le haut ravin de la combe de Lucles: bien que cette taille de Lucles décale verticalement la base du Sénonien de plus de 500 m, elle passe néanmoins, au Sud da sommet du Gicon, à une simple flexure sans cassure notable;

2° que les « klippes sédimentaires » sont constituées par des lames de 10 à 50 m d'épaisseur de Sénonien (et plus exceptionnellement de calcaires ou de conglomérats nummulitiques) interstratifiés à plusieurs niveaux dans les calcaires et dans la base des marno-calcaires nummulitiques. En direction du Nord, ainsi qu'à l'Est du col de l'Aup, elles disparaissent; ceci se produit par une fragmentation en grosses amandes qui se terminent souvent de façon progressive à leur extrémité nord en se transformant en un conglomérat dont les éléments se dispersent finalement dans la matrice nummulitique: il s'agit bien d'un olithostrome alimenté du Sud-Ouest vers le Nord-Est;

3° que ces olistholites toutefois se rattachent sans discontinuité visible, du côté sud, à la dalle sénonienne du Gicon: les lames de calcaire nummulitique interstratifiées s'amincissent puis s'étranglent totalement à tour de rôle, de la plus basse à la plus haute, au fur et à mesure que l'on progresse vers le Sud le long de la flexure.
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2 Il faut toutefois remarquer que la faille de Lucles doit sans doute une grande partie de son rejet à un rejeu tardif postnummulitique (en chevauchement) de l'accident médian du Dévoluy, comme le suggère la figure 4.
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Ce dispositif complexe s'est constitué par le jeu de phénomènes synsédimentaires, contemporains du début des dépôts nummulitiques, car les marno-calcaires le cachettent totalement vers le Sud (ces derniers ne sont plus affectés de dislocations dès le secteur des Queyras). Les phénomènes successifs dont les effets s'enchaînent et se superposent pour aboutir à la structure observable sont donc nécessairement les suivants:

1° un rejet vertical important, d'abord par faille : les olistholites inférieurs sont tranchés par la faille de Lucles2 et le Nummulitique s'appuie directement sur l'Hauterivien, à l'Est du sommet du Gicon; ultérieurement le rejet est obtenu par le jeu d'une flexure: les olistholites les plus élevés ne sont pas séparés des affleurements de la Montagne du Gicon;

2° la formation d'une succession d'imbrications de Sénonien à partir de la lèvre ouest de la flexure, par avancée de lames chevauchantes au sein des sédiments en cours de dépôt. La cause de la mise en mouvement de ces lames peut être recherchée dans un phénomène de collapse (avec glissement bancs sur bancs) aux dépens de la lèvre surélevée, mais on peut aussi envisager que les failles (chevauchantes vers le Sud) de la Montagne du Gicon soient à l'origine de cet écaillage;

3° un mouvement coulissant senestre : il entraîne et étire les lames de Sénonien en direction du Nord et a pour effet de faire se terminer en doigt de gant, vers le Sud, les lames nummulitiques interstratifiées entre les écailles de Sénonien.

e) Conclusions.

La Montagne du Gicon nous apparaît comme un « coin tectonique », saillant, formé au Priabonien et limité par des failles coulissantes conjuguées, à la faveur desquelles il a pu s'avancer vers le Sud, par rapport à son encadrement plus déprimé, au sein d'une zone soumise à un cisaillement senestre.
Ce coin tectonique du Gicon s'est développé dans un secteur déjà découpé par un escalier de failles montant vers le Nord-Ouest, avant la transgression priabonienne (fig. 8 a); ces marches d'escalier avaient déjà alimenté par leur érosion la formation de conglomérats dont la puissance (supérieure à 200 m par places) décroît rapidement vers le Sud.
Ce relief structural a continué à s'ériger en mole saillant limité par une faille active (fig. 8 b) jusqu'après le dépôt des marnes nummulitiques à intercalaires gréseux (puisque celles-ci sont tranchées par la faille de Pierre-Baisse à l'Est du Haut-Gicon).
Il a enfin été sectionné à sa base et transporté vers l'Ouest (fig. 8 c) dans les mouvements tardifs (postérieurs au dépôt de la molasse rouge) qui se sont poursuivis plus au Sud (chevauchement de Digne) jusqu'au Pliocène.

3. Corrélations et implications.

Débordant du cadre géographique du Dévoluy, on doit maintenant se poser la question des rapports des structures décrites ci-dessus avec celles des régions situées plus au Nord et plus à l'Est.

Si nous examinons tout d'abord les pentes septentrionales du col de l'Aup en rive droite de la combe de Lucles (fig. 3), on constate que le Sénonien vient buter par une faille presque Est-Ouest contre les Terres noires de Monestier-d'Ambel; cet important accident, qui détermine la falaise septentrionale du Dévoluy, ne se prolonge pas à l'Ouest de la combe de Lucles (il se raccorde à la fois à la faille de Lucles et au chevauchement médian du Dévoluy ); il montre le long de son miroir, orné de fortes cannelures horizontales, des lambeaux de conglomérats éocènes, ce qui démontre qu'il a fonctionné en coulissement après le dépôt de ces couches.
Le tracé de cette cassure nous conduit alors, vers l'Est, jusqu'aux abords de Beaufin. Dans ce secteur. les levers récents (M. G.) permettent d'y reconnaître la disposition qui est schématisée sur la figure 2: on y voit qu'au Sud de Corps une gerbe de fractures vient se réunir à cet accident septentrional du Dévoluy; dans cette gerbe d'accidents, la faille la plus occidentale (chevauchement de Monestier-d'Ambel) amène son compartiment oriental liasique à chevaucher le Dogger qui affleure plus à l'Ouest: on peut y voir le prolongement d'une partie au moins des mouvements chevauchants de l'accident médian du Dévoluy; jusqu'à ce jour aucun indice ne permet d'envisager que ce chevauchement se poursuive au Nord de Corps.
D'autre part, les cassures qui encadrent le massif cristallin de Beaufin constituent ce que nous avons appelé le linéament d'Aspres-les-Corps (M. GIDON, J.-L. PAIRIS et J. APRAHAMIAN, 1975); elles présentent des rejets complexes; en effet, nous avons pu montrer:
a) que les accidents occidentaux ont une tendance chevauchante vers l'Ouest et un coulissement dextre;
b) que les accidents orientaux (faille orientale d'Aspres) sont très redressés et ont principalement un jeu senestre.
Dans ce dispositif, le cristallin d'Aspres-Beaufin est dans une situation tout à fait homologue de celle du môle du Gicon, de sorte que nous pensons que ces deux structures n'en formaient qu'une seule initialement et que la coupole du Gicon doit ne représenter que les termes les plus élevés de la couverture du cristallin de Beaufin. Le décalage qui existe actuellement est obtenu par l'intermédiaire de l'accident septentrional du Dévoluy et trahit sans doute des mouvements de coulissement dextre tardifs le long de ce dernier.
Ainsi l'extrémité septentrionale du chevauchement de Digne montre-t-elle un enracinement dans des structures moins tangentielles, par l'intermédiaire de la gerbe de failles qui s'épanouit à l'extrémité nord-est du Dévoluy. Une large part du mouvement vers l'Ouest, que traduit ce chevauchement, doit notamment se manifester au niveau des structures du socle par les mouvements coulissants dextres du linéament d'Aspres-les-Corps, ce qui amène en définitive à « enraciner » ce dispositif le long de la bordure orientale des massifs cristallins externes du Rochail et des Grandes Rousses.

En conclusion, l'étude du Dévoluy nord-oriental confirme ce que nous avions indiqué précédemment à propos du Dévoluy méridional (M. GIDON, J.-L. PAIRIS, H. ARNAUD, J. APRAHAMIAN et J.-P. USELLE, 1970), puis à propos de l'arc de Castellane (M. GIDON et J.-L. PAIRIS, 1971): le chevauchement de Digne résulte de la déformation par torsion puis par glissement tangentiel d'un grand 1inéament de fractures subverticales initialement coulissantes (3). La présente étude nous permet de préciser en outre que l'activité de cet accident est importante dès le Priabonien.
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3 Il est intéressant de noter que l'étude des secteurs situés au NE de Digne a plus récemment conduit P. GIGOT, C. GRANJACQUET et D. HACCARD (1974) à des conclusions qui rejoignent cette manière de voir.

Figures


Fig. 1. - Schéma de situation.


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Fig. 2.-Cadre structural



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Fig. 3. - Carte simplifiée du secteur du sommet du Gicon.

a, Pendage stratigraphique; b, Pendage de la schistosité; c, Synclinal, anticlinal, avec axes; d, Trace de banc; e, Limite stratigraphique; f, Cassure; g, Limite des grosses masses de Quaternaire.
1 Molasse rouge; 2, Marnes et Grès de St-Disdier; 3, marno-calcaires nummulitiques; 4, Calcaires nummulitiques; 5, Conglomérats à la base des Calcaires nummulitiques; 6, Sénonien terminal à conglomé-rats de démantèlement; 7, Sénonien (surtout calcaire à silex); 8, Terrains antésénoniens (Hauterivien à Terres noires).


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Fig. 4. - Déformation de la faille antépriabonienne.

a, État initial, b, Reprise de la faille en chevauchement. 1, Terres noires; 2, Malm calcaire; 3, Néocomien; 4, Sénonien; 5, Calcaires nummulitiques; 6, Marno-calcaires nummulitiques.



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Fig. 5.-Faille synsédimentaire et brèches la « cachetant », au sein des Calcaires nummulitiques (Les Queyras).

1, Calcaires nummulitiques; 2, Microbrèche; 3, Bancs repérés dans les Calvaires nummulitiques; f, Faille synsédimentaire (calcitisée).



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Fig. 6.-Faille synsédimentaire de Pierre Baisse.

a, Début du dépôt des Calcaires (Cn 1) et Marno-calcaires nummulitiques; b, Jeu de la faille de Pierre Baisse; c, Scellement de la fracture par un nouveau dépôt calcaire (Cn 2) puis marno-calcaire. 1, Conglomérat du Crétacé terminal; 2, Calcaires nummulitiques; 3, Marno-calcaires nummulitiques.


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Fig. 7.-Paléofalaise du Pic Grillon.

1, Sénonien; 2, Conglomérat de démantèlement du Crétacé supérieur; 3, Calcaires nummulitiques; 4, Marno-calcaires nummulitiques; 5, Surface topographique actuelle.



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Fig. 8.-Stéréogramme montrant l'édification de la structure du Gicon.

a, Étape fin du Crétacé-Eocène; b, Étape priabonienne; c, Étape néogène.
1, Néocomien; 2, Sénonien; 3, Conglomérats; 4, Calcaires nummulitiques; 5, Marno-calcaires nummulitiques.




BIBLIOGRAPHIE

GIDON (M.), PAIRIS (J.-L.) (1971). - Remarques sur l'évolution structurale et les caractères des mouvements tectoniques dans la branche nord-ouest de l'Arc de Castellane (C. R. Acad. Sc. Paris, t. 272, p. 2412-2415, 10 mai 1971).

GIDON (M.), PAIRIS (J.-L.), APRAHAMIAN (J.) (1975). - Le linéament d'Aspres-les-Corps; sa signification dans le cadre de l'évolution structurale des Alpes occidentales externes (C. R. Acad. Sc. Paris, t. 282, p. 271-274).

GIDON (M.), PAIRIS (J.-L.), ARNAUD (H.), APRAHAMIAN (J.), USELLE (J.-P.) (1970). - Les déformations tectoniques superposées du Dévoluy méridional (Hautes-Alpes) (Géologie Alpine, t. 46, p. 87-110).

GIGOT (P.), GRANJACQUET (C.), HACCARD (D.) (1974). - Évolution tectono-sédimentaire de la bordure septentrionale du bassin tertiaire de Digne depuis l'Éocène (Bull. Soc. Géol. France, (7), t. XVI, n° 2, p. 128139).

GLANGEAUD (L.), D'ALBISSIN (M.) (1958). - Les phases tectoniques du NE du Dévoluy et leur influence structurologique (Bull. Soc. Géol. France, (6), t. VIII, p. 675-688).

MERCIER (J.), NEVEU (F.) (1956). - Le chevauchement du St-Gicon près de St-Disdier-en-Dévoluy (Hautes-Alpes) (C. R. somm. Soc. Géol. France, n° 16, p. 319-322).

Manuscrit déposé le 15 décembre 1975.

Laboratoire de Géologie de l'Université de Grenoble,
Laboratoire de Géologie Alpine, associé au C. N. R S