Le Versoyen (compléments)

interprétations opposées ...

Dans l'unité du Roignais le substratum des conglomérats de base du Flysch de Tarentaise est très différent selon que l'on se trouve dans la partie externe (unité du Roignais proprement dite) ou dans sa partie interne (unité du Versoyen).
- a) Dans l'unité du Roignais proprement dite le substratum du flysch est comparable à celui de l'unité de Moutiers ;
- b) Dans l'unité du Versoyen, qui affleure surtout en rive gauche (orientale) de la vallée du torrent des Glaciers (secteur de Versoye, crête du Miravidi) le substratum du flysch serait représenté par des prasinites et des serpentinites connues sous le nom d' "ophiolites du Versoyen". Les conglomérats y font place à des calcaires massifs à lits bréchiques ou microbréchiques, qui sont séparés des ophiolites par un niveau (parfois épais de plus de 100 m) de schistes noirs argilitiques.

Du point de vue tectonique l'unité du Roignais était considéré comme fondamentalement constituée par les deux flancs superposés d'un vaste synclinal couché du Versoyen. Le flanc normal (inférieur) de ce pli isoclinal* constitue l'unité du Roignais proprement dite (qui a un soubassement de type briançonnais). Le flanc inverse (supérieur), était censé correspondre à l'unité du Versoyen (à soubassement ophiolitique). Toutefois l'on n'observe nulle part la charnière de ce pli dans la partie qui en est actuellement observable.
Ces deux successions, de polarités opposées, auraient elles-mêmes été reployées ensemble par des plis postérieurs, qui sont - quant à eux - simplement déversés vers l'ouest.

Voir, à la page "Versoyen", la coupe schématique de la zone valaisane au nord-ouest de Bourg-Saint-Maurice et les clichés montrant les relations des couches dans ce secteur.




Schéma interprétatif des déformations successives subies par la zone valaisane
au nord-ouest de Bourg-Saint-Maurice

1 = État originel avant la tectonique compressive (partie gauche = future unité du Roignais ; partie droite = future unité du Versoyen) ; 2 = formation du synclinal couché du Versoyen (s.V) ; 3 = Reploiement de l'unité du Roignais (u.R), créant des antiformes et synformes de série renversée dans le flanc inverse du synclinal couché antérieur ; sectionnement de ses parties hautes par l'avancée chevauchante de l'unité du Petit Saint-Bernard (u.SB) et de celle du houiller briançonnais (z.hBr) ; 4 = fonctionnement à la fois extensif et coulissant des failles des Chapieux (f.Ch) et de la moyenne Tarentaise (f.mT).


 

Toutefois, d'après une publication récente** le contact ØSB ne serait pas tectonique ; au contraire les sédiments liasiques de l'unité du Petit Saint-Bernard reposeraient de façon stratigraphique, bien qu'en discordance, sur le matériel ophiolitique du Versoyen. D'autre part ce matériel du Versoyen serait disposé à l'endroit et charrié sur un olistostrome, alimenté par ce matériel, qui constituerait la partie sommitale de la succession du flysch de Tarentaise (et non sa base, renversée par le pli-couché s.V).

** MASSON H., BUSSY F., EICHENBERGER M., GIROUD N.MEILHAC C. & PRESNIAKOV S. (2006). -  S1-GpA-1ks : Âge carbonifère  des ophiolites du Versoyen et conséquences pour la géodynamique des Alpes occidentales. Géol. Alpine série spéciale « Colloques et excursions", n° 8, pp.1-3

Ces assertions vont largement à l'encontre des conceptions antérieurement retenues. Elles sont séduisantes en ceci qu'elles aboutissent à une importante simplification du schéma interprétatif de l'histoire tectonique du domaine du flysch de Tarentaise. Elles conduisent en effet, notamment, à ne plus attribuer à ce flysch deux types très différents de substratum (ce qui posait problème) et à ne plus nécessiter l'intervention (plutôt problématique) d'une phase précoce qui l'aurait reployé en un vaste pli-couché (s.V).

En outre ces auteurs confirment par des datations U-Pb que l'âge des ophiolites du Versoyen est paléozoïque (conformément aux vues exprimées par Schärer U., Cannic S. et Lapierre H. [2000]), plus précisément de 337 Ma (Carbonifère inférieur) : cela conduit à conclure que ces roches ne sauraient représenter le fond d'une déchirure océanique d'âge alpin, ce qui était pourtant considéré comme la caractéristique la plus remarquable de la zone valaisane ...


En fonction de ces nouvelles données le schéma ci-dessus serait donc à modifier comme suit :

- étape 1 : le substratum du flysch de Tarentaise ne comporte pas d'ophiolites : il est entièrement constitué de matériel carbonaté à affinités briançonnaises (en rose) ;
- étape 2 : la série du flysch de Tarentaise n'est pas ployée en pli couché : la lame f.Cb supposée former le flanc inverse du pli est une formation olistolitique à blocs de roches vertes, par laquelle se termine la sédimentation du flysch de Tarentaise (son dépôt indique la proximité de la lame de "roches vertes", sans doute en cours de charriage) ;
- étape 3 : le chevauchement ØSB passe sous la lame d'ophiolites (et non entre elle et u.SB)
- étape 4 : rien ne change (à part les modifications découlant des étapes précédentes).


Ces interprétations se heurtent toutefois à plusieurs difficultés, de plusieurs ordres (voir les illustrations sur la page Versoyen) :
. 1/ Il paraît difficile d'admettre que le contact ØSB soit de nature stratigraphique car :
- a) il tranche obliquement les lames de terrain, beaucoup moins pentées et remarquablement planes à l'échelle du massif, qui constituent l'unité du Versoyen ;
- b) il est, en surface, jalonné par places d'affleurements de cargneules, notamment au voisinage sud de l'Aiguille du Clapet et en Italie au nord de Lancebranlette, et surtout il a été traversé orthogonalement par une galerie EDF de l’aménagement de Roselend, laquelle passe à l'aplomb du sommet de l'Aiguille du Clapet, qui a mis en evidence la présence d'une lame gypseuse et mylonitique large à cet endroit de plusieurs dizaines de mètres.
. 2/ il semble plus simple et plus convaincant d'admettre que l'olistostrome qui s'intercale entre les ophiolites et le flysch de Tarentaise (sous-jacent) est en place stratigraphique à la base de ce dernier, plutôt qu'en contact tectonique sur lui. En effet la structure régionale semble bien montrer que ce flysch est disposé là à l'envers (flanc inverse du synclinal du Versoyen) et l'on peut douter de l'évidence d'un contact tectonique majeur entre lui et l'olistostrome qui le surmonte actuellement.
. 3/ Enfin la présence de témoins d'anciens fonds océaniques d'âge carbonifère pose de graves problèmes car on n'en connaît aucun autre exemple reconnu dans les Alpes. Par ailleurs plusieurs publications antérieures (LOUBAT H., 1968 et 1975, ANTOINE P., 1971) avaient signalé la présence de blocs de dolomies triasiques et de calcaires liasiques emballés dans la roche volcanique, ce qui n'est pas compréhensible si son âge est carbonifère ...


Les unités valaisanes du Versoyen et de son revers italien viennent de faire l'objet (en mai 2020) d'une nouvelle étude par G. De BROUCKER, Y. SIMÉON et P.ANTOINE (elle est d'ailleurs hébergée dans les documents complémentaires du site geol-alp).

Ces auteurs interprétent l'organisation des "roches vertes" du revers italien des crêtes du Versoyen et des sédiments qui les accompagnent comme les reliques de la fermeture d'un "océan valaisan".
Le dispositif structural qu'ils y décrivent aurait été cacheté au Crétacé supérieur par les dépôts du Flysch de Tarentaise. Ces restes d'un fond océanique, expansif puis compressif, reposent maintenant sur ce flysch car ils appartiennent (comme expliqué dans le présent site) au flanc inverse du grand synclinal du Versoyen. Ce dispositif a été tranché par l'accident plus tardif qui le juxtapose maintenant du côté oriental avec l'unité du Petit Saint- Bernard.

La validité du schéma proposé plus haut m'a été exprimée par les auteurs de cet article par les annotations manuscrites portées sur l'image suivante :


 


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