Roc de l'Enfer, Lacs de Forclaz, La Platte

À l'ouest de Bourg-Saint-Maurice : pentes orientales du Roignais

Les pentes qui s'élèvent à l'ouest de Bourg-Saint-Maurice culminent avec la crête du Roignais. À l'extrémité NE de celle-ci, à la Pointe de Combe Neuve, il s'en détache vers le SE un chaînon secondaire : il se poursuit par le groupe de petits sommets du Roc de l'Enfer et des Deux-Antoines pour finalement s'effacer dans une zone de replats à flanc de versant qui mène aux lacs de Forclaz depuis le Fort de La Platte.

Ce versant se termine du côté oriental par la profonde et longue entaille du vallon du Charbonnet. du côté opposé de laquelle la Crête de Praina descend vers le sud-est, depuis la Pointe de la Terrasse, pour rejoindre la vallée de l'Isère au nord de l'agglomération de Bourg-Saint-Maurice.

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Le revers oriental du chaînon du Roignais vu de l'est, depuis les pentes occidentales de l'alpage de Praina.
u.R = unité du Roignais ; f.Le = faille de Leisette ; u.rE = unité du Roc de l'Enfer (ØrE = sa surface de chevauchement, "D" = schistes noirs du Jurassique moyen) ; u.RV = unité du Roignais-Versoyen : noter la succession renversée du flysch de Tarentaise, qui se complète plus en aval par ses ophiolites basales.

L'entaille de ce vallon du Charbonnet s'enfonce suffisamment pour montrer la structure des couches du flysch de Tarentaise qui forment sa rive gauche toute sa hauteur (voir la page "La Terrasse"). Elles y présentent d'ailleurs les caractères de constitution (et notamment une semelle d'ophiolites) qui sont propres à sa partie Versoyen et, dans leur ensemble, elles y sont disposées en succession renversée. Par contre au sommet des escarpements de sa rive droite ces couches disparaissent, depuis le col de la Forclaz jusqu'au Fort de la Platte, sous un placage de grès et schistes houillers qui déterminent précisément la zone de replat de ce versant : on y voit sans ambiguité le repos tectonique, presque à l'horizontale, de ce matériel rocheux sur celui de l'unité du Roignais. Ce coussin de roches tendres constitue la semelle d'une entité charriée dite unité du Roc de l'Enfer.

Il est important de constater que, sous le fort de La Platte et, en amont, jusqu'à la latitude du hameau des Sagières, les plis qui affectent le flysch de l'unité du Roignais - Versoyen sont tranchés, apparemment rabotés, par la surface de charriage de l'unité du Roc de l'Enfer. Cela montre que deux étapes distinctes de déformation sont intervenues lors de la mise en place de ces deux nappes superposées.

Par contre l'on ne trouve aucune trace du houiller de l'unité du Roc de l'Enfer en rive gauche de ce vallon, ce qui s'explique sans difficulté par le fait que sa surface de charriage pend plutôt vers le sud-ouest.

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La rive droite du vallon du Charbonnet vue de l'est - sud-est, depuis le lacet 1549 de la route pastorale des chalets de Praina.
N.B. : la partie droite du cliché est visible sous un angle beaucoup plus favorable sur la photo prise depuis Praina (voir plus haut).
L'essentiel du versant est armé par les formations basales de l'unité du Roignais. Les terrains de l'unité du Roc de l'Enfer ne forment, vu d'ici, qu'un mince placage sur le rebord supérieur du versant.
u.SB = lambeaux de terrains de l'unité du Petit Saint-Bernard plaqués sur le versant entre les deux failles de La Platte (f.Pw = branche occidentale ; f.PE = branche orientale) ; u.RV = unité du Roignais, variante Versoyen ; s.Tn = synclinal de Terrassin (noter que ce pli, qui affecte l'unité du Roignais, est sectionné vers le haut par ØrE).


La zone des replats de la Forclaz se poursuit du côté occidental de la crête rocheuse du Roc de l'Enfer dans le vallon du Nant Blanc. Elle y couronne l'escarpement des pentes du versant nord-ouest (rive droite) de la moyenne Tarentaise sur la transversale de Bourg-Saint-Maurice. Son rebord méridional y est entaillé par une succession de ravins affluents de rive gauche du ruisseau de l'Arbonne.

Dans ces pentes, c'est-à-dire de part et d'autre de l'échine que coiffe le fort de la Platte, interviennent diverses complications de détail (voir la page Bourg-Saint-Maurice) : elles n’empêchent pas de voir que le houiller de l'unité du Roc de l'Enfer n'est représenté que dans le rebord supérieur du versant. Plus bas, c'est au contraire sur l'unité du Roignais que vient en contact le chapelet de témoins subbriançonnais (emballés dans des gypses et cargneules) qui jalonnent le tracé de la faille de l'Arbonne : cette disposition exprime le fait que ce dernier ensemble tectonique doit avoir, comme la faille qui le borde, un pendage accusé vers le sud, ce qui lui fait trancher l'empilement, au contraire presque horizontal, des deux unités plus septentrionales.

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Les pentes de rive droite de la vallée de l'Isère sur la transversale de Bourg-Saint-Maurice, vues du sud, depuis la Pointe de Friolin (rive gauche de l'Isère, au sud de Peisey)
f.Le = faille de Leisette ; f.T = faille de La Terrasse ; f.Ar = faille de l'Arbonnela moyenne Tarentaise ; u.rE = unité du Roc de l'Enfer ; u.R = unité du Roignais (elle s'enfonce sous la précédente) ; u.V = unité du Roignais à base de "roches vertes" du type Versoyen ; SB = unité (subbriançonnaise) du Petit Saint-Bernard.

Entre les deux vallons du Charbonnet au NE et du Nant Blanc au SW les terrains houillers supportent une couverture mésozoïque qui forme les sommets secondaires du Roc d'Enfer et des Deux-Antoines. Du côté NW elle montre une succession typiquement briançonnaise puisque des calcaires et dolomies du Trias moyen reposent sur le houiller par l'intermédiaire d'un niveau de quartzites. Toutefois ses autres caractères constitutifs, et notamment la présence du Lias marbreux de type "Villette", ont conduit les auteurs des levers géologiques à séparer cette unité du Roc de l'Enfer du domaine briançonnais, pour la rattacher plutôt au domaine valaisan.

Le matériel mésozoïque de cette unité tectonique est en fait fragmentée en trois klippes par des failles orientée NE-SW ; elles reposent sur leur coussin houiller basal par l'intermédiaire d'une dislocation tectonique supplémentaire, dont le tracé ceinture l'éperon rocheux des Deux Antoines : cette dernière semble donc être un chevauchement secondaire, parallèle à celui qui supporte le houiller lui-même.


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Le versant occidental de la crête du Roc de l'Enfer, vu du SW depuis les environs du Dôme de Vaugelas (cliché original obligeamment communiqué par M. Gilles De Broucker).
u.R = unité du Roignais ; f.Le = faille de Leisette ; u.rE = Unité du Roc de l'Enfer ; Ø.gC = chevauchement (mineur) de la Grand Combe ; Ø2A = chevauchement (secondaire) des Deux Antoines.

Cet ensemble, et notamment le large coussin de houiller qui forme la semelle de cette unité, se termine du côté NW, aux abords sud du col de Leisette, par un contact vertical avec le flysch de Tarentaise de l'unité du Roignais. Dans le vallon de Clapey Vert ce contact est en outre jalonné par une bande verticale de quartzites triasiques qui sont plaqués contre les couches inférieures du flysch, de telle façon que ces dernières pourraient en être la couverture stratigraphique ; mais ailleurs le contact entre houiller et flysch est jalonné par des cargneules triasiques, ce qui lui confère un cachet tectonique assez flagrant et conduit à considérer qu'il est dû à une cassure orientée presque N-S, la faille de Leisette.

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Le plateau suspendu des lacs de la Forclaz, vu du NW depuis le point coté 2701 de la crête de la Pointe Motte.
f.Le = faille de Leisette ; ØrE = chevauchement du Roc de l'Enfer ; u.rE = unité du Roc de l'Enfer ; u.R = unité du Roignais ; D = schistes noirs du Jurassique moyen (?).
Remarquer le puissant et typique glacier rocheux* qui descend de la Pointe de la Combe Neuve et qui tend à combler le lac supérieur.


À l'ouest du col de la Forclaz, donc dans la lèvre surélevée de cette faille de Leisette, le vallonnement suspendu du rebord de rive droite de la vallée de Charbonnet se poursuit néanmoins, aménagé là par le creusement glaciaire en cuvettes successives qui hébergent les Lac de la Forclaz. Mais, bien sûr, il n'y affleure plus que du flysch de Tarentaise : la poursuite de cette morphologie vallonnée, transversale aux directions de couches, pose un peu question puisque il n'est plus possible de lui trouver une explication structurale ...

Sur la carte au 1/50.000° et dans divers écrits cet accident tectonique a été interprété comme le prolongement de la surface de chevauchement de la semelle houillère de l'unité du Roc de l'Enfer, laquelle aurait été basculée à la verticale par une torsion tectonique postérieure au charriage. Mais cette interprétation ne semble pas pouvoir être retenue.

En effet au nord du col de Leisette le tracé de la faille de Leisette se poursuit à travers le vallon de Forclaz de façon rectiligne, donc en conservant une surface de cassure verticale, jusqu'au sommet des abrupts du vallon de Charbonnet, qu'il atteint en rive est du lac oriental de Forclaz.
Or il rencontre à cet endroit la surface de chevauchement, sub-horizontale, de l'unité du Roc de l'Enfer en faisant avec elle l'angle brutal de 90°. Cette géométrie (nettement figurée sur la carte au 1/50.000°) indique clairement qu'en réalité c'est l'intersection de cette dernière par la faille de Leisette (et non la torsion progressive de ce contact chevauchant entre houiller et flysch de Tarentaise).
Enfin il est remarquable que le tracé de la faille de Leisette trouve là, sur l'autre rive du vallon (voir la page "Terrasse"), un prolongement très vraisemblable dans celui de la faille de La Terrasse, laquelle est une cassure également presque verticale. De plus le flysch de Tarentaise des pentes de la Terrasse ne montre aucune trace de l'inflexion synclinale supposée par l'hypothèse de la torsion tardive de la surface de chevauchement de l'unité du Roc de l'Enfer.


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Les pentes orientales du Mont Roignais : vue d'ensemble, du nord vue pseudo aérienne d'après une image extraite de "google-earth".
f.Ar = faille de l'Arbonne ; f.Le = faille de Leisette ; f.Te = faille de La Terrasse ;
z. sBr = zone subbriançonnaise ; u.rE (hr) = coussin basal houiller de l'unité du Roc de l'Enfer ; u.rE (mz) = klippes mésozoïques de l'unité du Roc de l'Enfer.

En définitive on est amené à considérer que la faille de Leisette, qui limite du côté occidental la klippe à semelle de Houiller du Roc de l'Enfer, se poursuit vers le nord par la faille de La Terrasse. De plus, il apparaît que cet accident se poursuit vers le sud par un tracé rectiligne qui passe au pied oriental du sommet du Grand Châtelet pour aboutir au col 2267, qui sépare ce sommet de celui plus méridional du Dôme (altiport) de Vaugelaz (2217).

En effet un affleurement de rive droite du Nant Blanc montre que la faille y passe très bas au pied est de la Pointe de Piovezan. Il est donc nécessaire qu'elle rencontre presque à angle droit la véritable surface de chevauchement du Houiller de la klippe du Roc de l'Enfer, laquelle, inclinée vers le sud-est, s'élève en biais un peu plus au sud dans le versant oriental du Grand Châtelet jusqu'à en contourner le sommet par le nord (elle y passe peu au sud du point 2644). Il y a donc là une intersection comparable à celle du vallon de Charbonnet, mais en sens inverse)
Au sud de cette intersection c'est sans doute la poursuite de la faille de Leisette, selon son tracé sensiblement orienté N15, qui explique le remplacement, au pied des abrupts orientaux du Grand Châtelet, des affleurements de conglomérats houillers formant ce sommet par ceux, seulement schisteux, formant son épaule orientale en rive droite du vallon du Nant Blanc.

Cette prolongation méridionale de la faille de Leisette explique sans doute aussi pourquoi la large bande de gypses et de calcaires subbriançonnais du ravin de l'Arbonne fait place, à l'ouest de ce col 2267 à une bande beaucoup plus effilée qui, selon la même direction N15, traverse en se biseautant le versant occidental du Dôme de Vaugelaz : il s'agit vraisemblablement de son recoupement de la faille de Leisette, qui doit donc se prolonger en fait jusqu'à la vallée de l'Isère à Aime (voir la page "Grand Châtelet").

Compte tenu du pendage presque vertical de cette faille on peut penser qu'il s'agit sans doute d'un décrochement (même si son rejet comporte en outre à cette latitude, un abaissement de sa lèvre orientale)..

 

 

 


voir l'aperçu général sur le Beaufortain oriental

carte géologique au 1/50.000° à consulter : feuille Bourg-Saint-Maurice.

Carte géologique simplifiée du Beaufortain oriental, entre Cormet d’Arêches et Bourg-Saint-Maurice
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M. Gidon (1977), publication n° 074

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