La tectonique des chaînons situés à l'ouest de la Durance et du Grand Buëch


A/ Contexte tectonique général
(place de ces chaînons dans l'arc de la chaîne alpine) :

Les chaînons du Diois et des Baronnies constituent à l'évidence un domaine structuralement assez indépendant qui a joué un rôle d'intermédiaire entre les déformations des massifs subalpins septentrionaux et celles des chaînons provençaux.

- Ils se distinguent fortement de ces deux derniers en ceci que leur déformation en raccourcissement N-S est beaucoup plus marquée (prédominance de plis et chevauchement orientés plutôt E-W) : il est assez évident que, à leur différence, la déformation de la série, riche en niveaux propices, s'y est trouvée libérée par l'absence, au sommet de la pile stratigraphique de la puissante chape rigide constituée par la dalle urgonienne. On peut à cet égard envisager de comparer le rôle de ce domaine vocontien à celui du soufflet qui raccorde les deux wagons d'un train (Vercors au nord, Ventoux - Lure au sud).

- Ils ont réagi de façon très différente aux efforts compressifs qui ont généré, dans les massifs subalpins septentrionaux, des plis et chevauchements à tracé sub-méridien. En effet on relève ici l'absence des chevauchements à déversement vers l'ouest ou le sud-ouest, qui se manifestent pourtant dans les domaines, plus orientaux mais de même latitude, des chaînes subalpines méridionales, que sont le Dévoluy et les chaînons entre Gap et Digne.
Pourtant la région n'a pas été épargnée par les efforts tectoniques aux époques où se sont produits ailleurs ces mouvements à vergence sud-ouest, c'est-à-dire essentiellement au Miocène ; mais la réponse aux contraintes de ces époques a consisté ici en chevauchements et plis déversés de façon totalement différente, vers le nord et vers le nord-est.

Les structures plicatives et chevauchantes de cette partie du domaine vocontien s'organisent en fait en un arc ouvert vers le nord-est dont l'inflexion est spécialement marquée dans la région de Châtillon-en-Diois, c'est-à-dire à l'extrémité méridionale des plateaux urgoniens du Vercors. Du côté sud les déformations ont été particulièrement énergiques le long des confins septentrionaux du domaine d'extension de l'Urgonien provençal, c'est-à-dire au pied du chaînon Lure-Ventoux.
Du côté nord-est, c'est-à-dire du côté interne, cet arc du Diois - Baronnies est limité, vis-à-vis du Dévoluy, par une ligne de dislocation également arquée qui comporte deux tronçons :
- un tronçon septentrional presque N-S, l'accident de Bonneval, qui est un faisceau de cassures verticales décrochantes dans le sens dextre ;
- un tronçon méridional NW-SE, l'accident de Savournon, à caractère mixte, décro-chevauchant dextre.
Il en résulte que le Dévoluy a dû se déplacer par rapport à l'ensemble Diois - Baronnies à la fois en l'emboutissant du N vers le S et en coulissant vers le SE (ce qui a transféré le mouvement compressif plus au sud-est, c'est-à-dire dans le secteur où s'est formée la nappe de Digne). Ceci veut dire, finalement, qu'il a suivi une trajectoire combinant un mouvement de rotation anti-horaire avec une translation vers le sud.

Au sujet de cet arc vocontien il faut encore souligner deux points :

1/ le dessin de cet arc est finalement concentrique à celui des Alpes occidentales françaises et se moule sur le dessin des auréoles successives des enveloppes sédimentaires de l'extrémité méridionale de la chaîne de Belledonne.
2/ le sens de rejet des accidents compressifs qui le constituent implique un mouvement relatif entre socle et couverture qui consiste en un déplacement du socle des massifs cristallins externes par enfoncement vers le sud-ouest, sous sa couverture mésozoïque (ce déplacement du socle implique un raccourcissement sous le domaine vocontien, raccourcissement dont les modalités (chevauchement ou flexion synforme) sont, bien sûr, purement conjecturales).

En effet on ne peut pas envisager que la déformation du domaine vocontien résulte d'un déplacement vers le nord-est de sa seule couverture. Cela impliquerait un déplacement identique de la couverture des domaines rhodanien et nord-provençal, qui le bordent à l'ouest et au sud, alors qu'il est bien évident que l'on doit considérer deux domaines comme les plus autochtones qui soient, puisqu'ils sont les plus extérieurs à la chaîne alpine, et que, de plus leur couverture mésozoïque y est interdite de mouvements tangentiels, prise qu'elle est entre son socle autochtone et la surcharge du contenu des bassins tertiaires.

Ces faits portent à considérer que l'arc, à vergence NE, du secteur vocontien est vraisemblablement le résultat d'une sorte de "sous-charriage" vers le sud-ouest du socle des massifs cristallins externes. La limite entre le domaine où le socle tend à s'enfoncer vers le sud et celui, situé plus au nord-est, où il tend à se surélever (en liaison avec des chevauchement de couverture vers le sud-ouest) semble mettre en jeu un système de relais de coulissements tardifs sur des failles de socle, utilisant notamment celles qui limitent et découpent en long le massif de Belledonne (il s'agit des failles originellement extensives, crées lors de l'expansion océanique, au Jurassique).


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Vue tectonique d'ensemble, très schématisée, des chaînes subalpines méridionales
repris de Gidon et Pairis 1986 - publication n° 122 - (largement modifié)

montrant les rapports entre les chaînons occidentaux et orientaux ainsi que l'antagonisme de leurs mouvements :
Les grosses flèches noires correspondent aux secteurs où la couverture se déplace en chevauchant vers le sud-ouest (tendance du socle des massifs cristallins externes à se surhausser à cette occasion) ; les grosses flèches blanches correspondent aux secteurs où la couverture se déplace en chevauchant vers le nord-est (tendance du socle des massifs cristallins externes à s'enfoncer à cette occasion).
Légende : 1 = matériel Jurassique supérieur et moyen de la nappe de Digne ; 2 = bord d'érosion de la série épaisse de la nappe proprement dite ; 3 zones d'écrasement, par plissement et cisaillement dextre, relayant le charriage aux extrémités du front de la nappe ; 4 = fronts d'avancée des "lobes" de chevauchement associés à la nappe de Digne ; 5 = domaine provençal ; 6 = chevauchements soulignant la limite provençal-subalpin.
Cr = Crest ; Se = Serres ; L = Laragne ; Si = Sisteron ; R = dôme de Remollon ; T = Turriers ; B = demi-fenêtre de Barles ; Bm = Barrême.


Enfin il faut s'interroger sur l'inversion du sens de déversement des plis et chevauchements qui se produit grossièrement de part et d'autre de la vallée de la Durance. Elle se manifeste plus précisément le long de l'accident majeur qu'est le front de la nappe de Digne et des lobes chevauchants qu'elle a induit dans l'autochtone. Alors que dans les deux cas l'effort de raccourcissement était orienté NE-SW ce changement signifie que le sens du cisaillement induit par la composante de chevauchement s'est inversé entre l'ouest et l'est de cette frontière structurale.

 

Carte schématique des rapports entre les chaînes subalpines méridionales de part et d'autre de la Durance

figure plus grande

1= affleurements du Jurassique inférieur et moyen, épais et hémipélagique, caractéristique de la nappe de Digne.
2 = bord d'érosion de la nappe.
3= zones d'écrasement par plissement el cisaillement dextre relayant le charriage. 4= fronts de chevauchement et coulissements majeurs créés par l'avancée de la nappe.
5= domaine à affinités provençales.
6= chevauchements majeurs entre les domaines provençal et subalpin.
R = dôme de Remollon ; T = Turriers ; B = demi-fenêtre de Barles ; Bm = Barrême.

En d'autres termes, par rapport à leur autochtone, constitué par les chaînons provençaux, ces deux domaines ont eu une relation tectonique inverse : le domaine oriental, "dignois", s'est avancé en passant par dessus, en chevauchement, alors que celui, occidental, des Baronnies s'est trouvé bloqué par une tendance à s'enfoncer par dessous (sans doute parce que cette bordure correspondait déjà à un vieil accident du socle qui surélevait ce dernier du côté sud).
Cette différence de comportement a sans doute été initiée par la présence, du côté sud-ouest, de la dalle rigide des épais calcaires de plateforme du Crétacé inférieur, puis accentuée par le dépôt de la puissante chape du matériel tertiaire des bassins de la vallée du Rhône et de Valensole. Elle a été permise par le fonctionnement coulissant dextre du front de la nappe de Digne : la déchirure infligée par cet accident à la couverture subalpine a d'ailleurs valeur de "faille transformante", comme l'exprime le schéma ci-après.


Bloc tectonogramme très schématique
montrant que le chevauchement de la nappe de Digne peut aussi être assimilé, du fait des coulissements qui l'affectent, à un accident transformant. En effet il décale la ligne d'affrontement des domaines dauphinois et provençaux et dissocie les chaînons subalpins occidentaux des Baronnies, (à l'ouest), qui sont déversés vers le nord, de ceux de l'Arc de Castellane (à l'est), qui sont au contraire chevauchants vers le sud.
Les petites croix correspondent au socle cristallin.
(figure extraite de la publication122 , redessinée)

B/ Description d'ensemble :
Tectonique du domaine vocontien
par Jacques Flandrin, 1965
Carte structurale schématique
par Jacques FLANDRIN, 1965
Coupes structurales du domaine vocontien
par Jacques Flandrin, 1963 et 1965

C/ Données propres à chacun des deux secteurs constitutifs de ces chaînons :

secteur nord : le Diois ; secteur sud : les Baronnies
N.B : Les chaînons au NE de Sisteron sont étudiées à la section Gap - Digne


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