LES ROCHES DE CHARTREUSE

Liste des abréviations utilisées pour les désigner, sur les figures concernant la Chartreuse.
Fossiles de Chartreuse

Rappelons que deux types d'ensembles rocheux sont distingués par le géologue :

- le véritable sous-sol, formé de roches cohérentes parce que cimentées de longue date, donc dures en règle générale (bien que selon des degrés variables d'un type à un autre). Dans les massifs subalpins il s'agit uniquement de roches sédimentaires, disposées en "strates" superposées, continues sur de longues distances ;

- les "formations superficielles", le plus souvent meubles (parce que de dépôt relativement récent), disposées et réparties capricieusement, qui ne constituent qu'une pellicule épaisse de quelques mètres en général (parfois plus) et qui masquent le véritable sous-sol. D'âge quaternaire, elles sont constituées d'alluvions continentales formées à l'air libre ou en eau douce (d'où leur organisation capricieuse).

Trois aspects de ces roches sont à examiner :

• La constitution de l'empilement de strates.

• Les caractéristiques des formations successives qui le constituent

• La manière dont se sont formées ces roches (les phénomènes sédimentaires les concernant)


A/ LA PILE DE STRATES de la Chartreuse.

Le massif de la Chartreuse est essentiellement constitué par un empilement de couches, regroupables en paquets de couches similaires que l'on appelle "formations". Cet empilement constitue sa "série stratigraphique", que l'on représente par un schéma appelé sa "colonne stratigraphique". La répartition des zones d'affleurements des principales formations est donnée dans ce site par une carte géologique schématique d'ensemble (qui ne saurait remplacer les cartes géologiques détaillées publiées par le B.R.G.M.). Sur les schémas ces formations sont désignées par une vingtaine d'abréviations (toujours les mêmes).

Les deux photos ci-après montrent la succession des formations les plus largement représentées de la série stratigraphique de la Chartreuse et la manière dont elles influent sur le relief.

image sensible au survol et au clic

La succession stratigraphique de la Chartreuse occidentale, en rive droite de la cluse de l'Isère.
Cliché pris depuis le Vercors (rebord du plateau de Sornin), de façon à se trouver à peu près dans l'axe des surfaces de couches : le pylône est celui de la Dent du Loup.
En Chartreuse occidentale le Tithonique forme des falaises sur plusieurs centaines de mètres de hauteur totale et les calcaires du Fontanil sont épais au point de déterminer de forts crêts* (comme celui de la Grande Sure) qui jouent un rôle majeur dans le relief. Entre les deux il n'y a pas de niveau marneux puissant mais des alternances marno-calcaires d'âge berriasien inférieur et moyen.
Confronter ce cliché avec le dessin de la coupe de rive droite de la cluse.
N.B. Sautaret et Le Fontanil sont deux localités dont les noms sont utilisés pour désigner les deux formations qui se partagent la pile des couches du Berriasien-Valanginien (pour plus de détails voir les pages Chevalon et Fontanil ).


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La succession stratigraphique de la Chartreuse orientale
En Chartreuse orientale le Tithonique supérieur (= Tithonique proprement dit) est le seul niveau du Jurassique supérieur à former une corniche continue. Les calcaires du Fontanil n'y déterminent qu'une corniche discrète, voire effacée. Ils dominent un talus, souvent creusé en combe, qui est dû à la présence du fort niveau tendre des marnes de Narbonne.
Plus au nord-est, au nord de Crolles, la même succession, encore moins disséquée par l'érosion forme d'un seul jet le rebord subalpin*.


Entre Chartreuse occidentale et orientale les variations de faciès au sein de la succession du Crétacé inférieur (qui sont illustrées par les deux clichés ci-dessus) sont commandées par l'oscillation de la position du rebord de la plate-forme carbonatée jurassienne, qui se déplace à plusieurs reprises du NW vers le SE. les faciès marneux proprement subalpins sont alors remplacés par des faciès plus calcaires liés aux apports de matériaux provenant du rebord de cette plate-forme.

Coupes très schématiques
montrant le principe du déplacement des zones de faciès depuis le Jurassique terminal jusqu'à l'Aptien, dans les chaînes subalpines aux alentours de Grenoble.

Le schéma supérieur montre l'organisation finale des faciès (figurés noirs).
Les coupes inférieures montrent l'allure des fonds marins et le type de sédimentation selon les tranches de temps (couleurs comme dans la coupe globale finale).

Le glissement des zones de faciès est essentiellement dû aux alternances de progradation* de la plate-forme jurassienne vers le SE (flèches de couleur) et de rétrogradation (flèches grises) Ces dernières sont en général dues à une remontée rapide du niveau marin, ce qui "noie" la plate-forme.

N.B. : le terme "calcaires construits" désigne tous les faciès de la plateforme, y compris ceux de son rebord (parfois récifal).

Il est à noter qu'en Chartreuse (comme dans les autres massifs subalpins septentrionaux d'ailleurs) les lignes tectoniques majeures (plis et grands chevauchements) ont des azimuts plus proches de N-S que les lignes de changements de faciès et recoupent donc ces dernières obliquement.

Schéma cartographique des zones de faciès dans le massif de la Chartreuse
(types de successions stratigraphiques au Berriasien - Valanginien)

en jaune le domaine jurassien, pratiquement dépourvu de niveaux marneux au Berriasien - Valanginien et avec des calcaires récifaux au Jurassique supérieur.

en vert le domaine subalpin tout-à-fait occidental ("zone pré-subalpine" de certains auteurs) avec Berriasien - Valanginien en prédominance calcaire (épais calcaires du Fontanil, débutant dès le Berriasien).

en émeraude le domaine subalpin externe, avec calcaires du Fontanil au Valanginien et marnes de Narbonne au Berriasien supérieur.

Le domaine subalpin franc, sans calcaires du Fontanil et avec prédominance des marno-calcaires au Berriasien - Valanginien, n'est pas représenté en Chartreuse (on le trouve dans l'est des Bauges et le sud-est du Vercors).

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voir le schéma d'ensemble des massifs subalpins septentrionaux

 

 


 

Caractères des principales "formations" de Chartreuse

Les caractéristiques plus précises de ces formations et membres de la série stratigraphique de Chartreuse sont décrites et illustrées (dans l'ordre de succession verticale, de haut en bas) dans les pages ci-après :

1 - Le Miocène et le Paléogène

2 - Le Sénonien et la "Lumachelle"

3 - L'Urgonien

4 - L'Hauterivien

5 - Les calcaires du Fontanil

6 - Les Marnes de Narbonne

7 - Le Berriasien

8 - Le Tithonique

9 - Les Terres Noires

De cette liste sont exclues les "formations superficielles" : elles se sont formées au cours de l'ère quaternaire et sont donc examinées à propos de cette époque.

Il faut surtout retenir qu'il existe, dans cette série stratigraphique, trois "niveaux repères" fondamentaux, en fait constitués par les formations calcaires principales qui sont les plus dures et se repèrent le mieux à distance. Ce sont, dans l'ordre de leur succession naturelle, de haut en bas (qui est aussi l'ordre de leur importance dans l'architecture et dans les paysages de la Chartreuse) : l'Urgonien, les Calcaires du Fontanil et le Tithonique.

D'autre part les caractéristiques plus précises des diverses formations (et de leurs subdivisions en "membres") sont décrites dans les notices des cartes géologiques détaillées, à 1/50.000° (et indiquées, mais seulement d'une façon très sommaire, dans la légende des couleurs, située en marge de ces cartes).

 


 

 

B/ Comment se sont formées ces roches ?

Toutes les roches du massif de la Chartreuse, comme celles des autres massifs subalpins, sont donc à ranger dans la catégorie des roches sédimentaires (à l'exception de blocs ou de galets de roches cristallines, qui ont pu y parvenir transportés par des rivières anciennes, au Tertiaire, ou par les glaciers du Quaternaire). Elles sont pour la plupart d'origine marine et ont été déposées au Secondaire et au Tertiaire.

C'est parce qu'elles se sont formées par décantation dans la mer qu'elles sont litées en couches (ou "strates") d'épaisseur décimétrique à métrique, superposées parallèlement les unes aux autres. Cette disposition, de même que l'empilement des "formations" de nature différente qui constituent la "série stratigraphique" du massif, est due à ce que les deux facteurs réglant la sédimentation, savoir l'alimentation des eaux marine en matériaux et les conditions de dépôt de ces matériaux, ont varié au cours des temps géologiques. Il est intéressant de résumer les grands traits cette histoire sédimentaire.

1 - Les roches qui se sont formées à l'ère secondaire.

L'ère secondaire débute vers - 245 Ma* pour se terminer vers - 65 Ma ; mais les dépôts les plus anciens du massif de la Chartreuse sont les Terres noires du Grésivaudan (voir la colonne stratigraphique), dont l'âge est d'environ - 150 Ma (étage Oxfordien) .

Durant tout cet intervalle de temps les Alpes étaient occupées par une mer, qui tendait d'ailleurs plutôt à s'approfondir : les roches formées alors en Chartreuse sont essentiellement des calcaires ou des marnes (ces dernières étant des roches formées en proportion variée, mais voisine de une partie pour deux ou trois, d'argile et de carbonate de calcium). En fait on observe l'alternance, tous les 100 à 300 m, de dépôts qui sont successivement à prédominance calcaire ou à prédominance marneuse. Cette alternance traduit l'influence plus ou moins prépondérante, d'une époque à la suivante, des apports de matériaux les uns "organogènes" (liés au développement d'organismes producteurs de coquilles calcaires), les autres "terrigènes" (liés à des apports sableux et argileux dus à l'érosion des continents).

Or ces deux types de sédimentation caractérisent deux milieux de dépôts différents, dont l'alternance correspond à un phénomène quasi oscillatoire. Ce dernier résulte de la combinaison de deux facteurs :
- un enfoncement progressif des fonds marins (qui a débuté dès l'époque triasique, au début de l'ère secondaire), mouvement qui aboutit à privilégier l'accumulation de particules argileuses (terrigènes), légères, décantant à partir de l'eau de mer où elles s'étaient répandues, depuis le débouché des fleuves de l'époque.
- l'existence, du côté ouest, d'une plate-forme peu profonde, où vivaient en abondance des organismes à coquilles calcaires dont l'accumulation des débris organogènes tendait à compenser l'affaissement du substratum marin. Cette plateforme occupait à toutes époques l'actuel Jura, de sorte qu'elle est dite "jurassienne" (distinguer ce mot de celui de "Jurassique", qui désigne une époque géologique !).

Selon les époques, en fonction tant des variations de vitesse d'enfoncement que de celles des climats plus ou moins favorables aux organismes vivant sur la plateforme, le processus qui prévalait était soit l'accumulation sur la plate-forme, soit l'enfoncement du substratum. Dans le premier cas il y avait avancée vers l'E du talus qui limitait la plate-forme organogène par rapport à la haute mer ; dans le second la sédimentation argileuse "pélagique" (= de haute mer) envahissait vers l'W.

Il se trouve que le massif de la Chartreuse se situait, pendant presque toute l'ère secondaire, à la limite de ces deux domaines sédimentaires à frontière fluctuante. C'est ce qui explique la composition alternée de l'essentiel de la succession de ses couches.

Il faut préciser que ce schéma d'organisation des dépôts n'est cependant valable, en toute rigueur, que jusqu'à l'aube du Crétacé supérieur, soit jusqu'à - 95 Ma (mais les modifications intervenues ensuite ne sont pas fondamentales).

2 - Les roches qui se sont formées à l'ère tertiaire.

Le Tertiaire est l'époque où ont débuté les mouvements qui ont conduit à l'émersion puis au soulèvement des Alpes. Dans le massif de la Chartreuse cela se manifeste par des interruptions de la sédimentation et par l'arrivée prédominante de débris dus à l'érosion des reliefs en surrection. Aussi l'essentiel des roches est-il constitué de grès plus ou moins grossiers.

Les plus anciens de ces grès (Eocène-Oligocène) sont totalement dénués de calcaire et plus ou moins mêlés d'une argile souvent blanche ou colorée en rouge brique. Il s'agit de dépôts continentaux, qui indiquent donc un épisode d'émersion du massif. Ils ne sont (pour cette raison) conservés que dans des dépressions locales, le plus souvent des cavités "karstiques" (anciens gouffres et réseaux de grottes). Ils ont été anciennement exploités pour la production de matériaux réfractaires, par exemple dans les carrières de Malossane (près de Voreppe) ou du Crozet (en amont de Pomaray dans le vallon de Tenaison).

Les dépôts tertiaires plus récents, qui remontent au Miocène, sont volumétriquement beaucoup plus importants. Ils reposent le plus souvent, sans intermédiaire (donc par une "lacune"), sur les couches déposées au secondaire. Ce sont des grès à ciment calcaire et argileux, les molasses, qui contiennent d'importantes inclusions de conglomérats, formés de galets cimentés par le grès, donc à aspect de béton. Ils se sont déposés dans le large et long sillon marin qui ceinturait alors, des cotés W et N, la chaîne alpine en surrection et que l'on appelle le sillon molassique périalpin.

La formation de ce sillon molassique miocène découle d'un enfoncement de l'écorce terrestre, qui a fléchi sous la surcharge de la jeune chaîne. Le futur massif chartreux en constituait alors simplement la marge orientale. Mais très vite ce sillon s'est comblé, grâce à l'intense érosion de la chaîne, pourvoyeuse d'abondants débris, aussi vite que son fond s'affaissait, sous l'effet des apports dus aux fleuves issus des Alpes qui y édifiaient de puissants deltas : celui de l'Isère, déjà présente à l'époque, s'étendait vers l'ouest jusqu'à Bourgoin et La-Tour-du-Pin.

Ce sont les dépôts de ces deltas, alternativement plus sableux ou plus caillouteux (avec une abondance plus grande des cailloutis vers le haut et vers les débouchés des fleuves) qui sont maintenant cimentés en molasses plus ou moins conglomératiques. Alors qu'ils couvrent d'énormes surfaces plus à l'ouest, en Bas Dauphiné, on ne les rencontre qu'en faible quantité dans le massif chartreux lui-même et seulement dans des secteurs étroits, correspondant aux zones structuralement les plus déprimées, car plus on va vers l'est plus ils y ont été soulevés par le plissement et enlevés par l'érosion.


3 - Les roches qui se sont formées à l'ère quaternaire

A cette époque, très récente (moins d'un million d'années), le relief actuel s'était déjà à peu près constitué sous l'effet des divers agents de l'érosion. A la différence des précédents les produits sédimentaires ne se sont donc pas déposés sous la mer mais sur des pentes à l'air libre, même si ces dernières pouvaient différer quelque peu de celles actuelles. Ces dépôts sont qualifiés de "terrains de couverture superficielle" et sont en général meubles, non consolidés en roches.

On les classe (en ce qui concerne ceux présents dans nos massifs) en quatre grandes catégories qui sont :
- les dépôts gravitaires (éboulis divers)
- les dépôts glaciaires abandonnés par les glaciers qui circulaient dans les vallées de la périphérie du massif au cours des quatre époques les plus récentes de glaciation (Günz, Mindel, Riss et enfin Würm)
- les alluvions torrentielles
- les alluvions
fluviatiles et lacustres


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