carrières de Saint-Étienne-de-Crossey

(complément aux pages "Miribel", "Saint-Étienne-de-Crossey" et "Gorges du Crossey")

Deux groupes d'exploitations par des carrières existent aux abords de Saint-Étienne-de-Crossey :

1/ Carrières de "terres réfractaires" de Saint-Aupre

Au NE de Saint-Étienne de Crossey, sur la commune de Saint-Aupre, entre les villages de La Maladière et le chef-lieu, d'anciennes carrières exploitaient des sables réfractaires : il s'agit de dépôts décalcifiés par le climat chaud de l'Éocène, souvent teintés de rouge brique (voir page "paléogène") ; ils remplissaient des poches (anciens gouffres ou salles ?) créées par l'érosion naturelle karstique*, à la suite de l'émersion de la région à la fin du Crétacé, qui sont ouvertes ici dans les calcaires urgoniens du flanc ouest du chaînon du Ratz.


Coupe très simplifiée du chaînon du Ratz à la latitude de Saint-Aupre (extrait de la planche de coupes de la Chartreuse). voir plus de commentaires à la page "Miribel".

Ces poches étaient au nombre de 4, toutes situées à l'est du village, au pied des pentes occidentales du Bois de Plantiney, à une dizaine de mètres au dessus du niveau de la plaine alluviale de la Morge. Elles n'avaient pas été répertoriées sur la carte géologique au 1/50.000° mais elles ont fait l'objet d'une étude de Alain SCHRAMBACH ("Massif de la Chartreuse. les gisements de roches et de terre rubéfiées : minerais et terre réfractaires", 38 pages, 29 figures ; 2010 inédit).
Un compte-rendu moins détaillé (10 pages) en est paru, sous la plume de Monique PARIS, dans le n° 61 (juin 2011) de la revue AUTREFOIS, éditée par l'"Association Histoire et Patrimoine du Pays Voironnais".


Le "Trou Bertrand" (carte postale du XX° siècle) ; extrait du travail de A. Schrambach.
Légende du schéma de gauche : gris clair = alluvions meubles quaternaires ; gris sombre = calcaires de la paroi de l'ancien gouffre, vidé de ses sables argileux par l'exploitation.

Le trou le plus important est celui de la carrière Rosset, situé exactement 250 m à l'est de la chapelle de la Madeleine, 1,7 km au sud de Saint-Aupre dans le bas de la pente boisée. Il est encore accessible par une sente entaillée dans le rocher, accédant à un pont qui le traverse : c'est une cavité d'environ 10 x 30 m, profonde de plus de 20 m et remplie d'eau, dont les deux flancs les plus longs (ouest et surtout est) sont constitués par des surfaces de couches urgoniennes à très fort pendage ouest (environ 80°).

Il est à présumer que cette disposition est liée à la déformation de la cavité originelle lors du plissement fini-miocène : les bancs urgoniens de l'anticlinal ont en effet été affectés par des glissements couches sur couches qui sont habituels dans ce genre de roches, en plissement "concentrique" (voir la page "glossaire plis") : on voit d'ailleurs les traces de friction de ces mouvements en maints endroits, lorsque les surfaces de couches sont dénudées, par exemple le long du chemin qui part vers le nord depuis le tournant 480 du débouché des gorges de Crossey.


image sensible au survol et au clic

La dépression de Saint-Étienne-de-Crossey vue de l'ouest, depuis le hameau du Paris.
La vue est prise d'une altitude qui correspond au niveau de l'eau du lac lors de l'épisode 2 du retrait des glaciers (c'est à cette époque que s'est formé le delta le plus élevé).
On distingue les deux terrasses étagées et le débouché des gorges du Crossey.
Cette vue a été prise en 1968 ; depuis cette date la totalité des matériaux du delta 2 a disparu, enlevée par l'exploitation de la carrière de sables. Par contre l’exploitation de la carrière du delta 3 a stoppé.

2/ Carrières de sables du débouché des gorges du Crossey

Des carrières situées à l'entrée orientale de Saint-Étienne-de-Crossey exploitaient jusqu'à une date récente (2014) les sables meubles d'un ancien delta fluviatile. Ce dernier s'était édifié, voici 10.000 à 20.000 ans, en progressant d'est en ouest, depuis la rive orientale du lac qui occupait la dépression, maintenant comblée, dont le village occupe une faible partie de sa partie orientale (voir la carte).

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L'entaille sud du delta supérieur (en 1963)
La N520 suit la surface du delta inférieur (épisode 3R'). Les carrières montrent alors très clairement l'inclinaison générale des strates (s0) vers l'ouest (les gorges sont à droite des limites du cliché) et la planéité de la surface de colmatage du delta supérieur.
Depuis l'an 2000 toute la tranche de matériaux dénudée sur ce cliché a totalement été déblayée et la carrière s'enfonce en excavation en arrière de la route, en contrebas de la surface du delta inférieur.

À l'époque où elles n'avaient pas encore rongé presque la totalité du delta, ces carrières montraient des figures de sédimentation tout à fait exemplaires. Elles ont maintenant disparu car l'exploitation n'en a respecté aucun témoin (de sorte que les images ci-après correspondent à une réalité virtuelle, au sens le plus littéral du mot).

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Une coupe montrant les caractères typiques de la sédimentation deltaïque
Les "couches de progression", formées de sables et graviers alternés, constituent l'essentiel des matériaux qui ont construit le delta, en se disposant par couches concentriques dans l'espace libre, c'est-à-dire sur le talus périphérique du delta en progression. Leur inclinaison correspond à la pente de ce talus, qui est orientée vers l'extérieur du delta, donc dans le sens d'écoulement du torrent qui sortait des gorges.
C'est le passage divaguant de ce dernier, au sommet du delta pour en atteindre la périphérie qui est à l'origine du remaniement de ces matériaux (par creusement de chenaux* et abandon de ceux-ci) qui aboutit au litage sub-horizontal de la tranche supérieure (sur une épaisseur de quelques mètres). La teinte rougeâtre du sommet de cette tranche correspond à l'oxydation par l'air qui a accompagné sa transformation en sol ("pédogénèse").
Noter la présence, au pied du front de taille, de blocs anguleux abandonnés : ils témoignent de l'origine glaciaire de la source de ces matériaux. En effet ils étaient inclus au sein des graviers et y sont vraisemblablement parvenus, depuis le glacier, en flottant sur des radeaux de glace détachés de son front (en effet ils sont trop gros et trop anguleux pour avoir été roulés par le torrent). Beaucoup de ces blocs sont formés de gneiss amphibolites (d'où leur teinte verdâtre).

Les coupes offertes par les positions successives du front de taille ont mis au jour différentes figures dessinées par les strates. J'ai pris soin d'en immortaliser certaines, en les photographiant avant leur disparition. Les unes sont purement sédimentaires ; d'autres sont tectoniques mais vraisemblablement dues à un simple effet de tassement des sédiments alors qu'ils étaient encore frais.


"figures de charge"
Les flexions qui affectent ici les strates sont dues au tassement du sédiment par le jeu d'une migration de l'eau qu'il contenait.
Les grosses flèches indiquent les épaississements des lits caillouteux, qui correspondent à des petits chenaux et ont occasionné une surcharge locale sur les sables fins sous-jacents.
Les petites flèches figurent la migration de sable gorgé d'eau qui a flué latéralement en formant des "gonfles" de part et d'autre de la zone tassée. Dans certains cas (voir en page La Garenne) de telles poches vont suffisamment gonfler pour crever à leur sommet et évacuer leur eau ("micro-diapirs"*).


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Faille extensive cachetée par des couches plus élevées
D désigne la surface de discordance qui "cachette" * la faille. Le rejet est de quelques mètres, s'il correspond bien au décalage des niveaux repérés s0a et s0b.
De telles failles sont sans doute générées par des différences du taux de tassement entre secteurs voisins (par exemple en fonction de différences d'épaisseur des sédiments, elles-mêmes dues à la présence d'aspérités et de creux à la surface du bedrock*).


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Failles extensives délimitant un compartiment effondré (graben*)
On a distingué par Fa et Fb les deux familles de failles conjuguées*. D désigne la surface de discordance qui "cachette" * les failles.


Carte de la région située au nord-est de Voiron, au Quaternaire récent
Les gorges du Crossey
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Analyse détaillée du quaternaire des environs de Voiron
Documents sur le quaternaire du Bas Dauphiné

Pour en savoir plus sur les dépôts morainiques et fluviatiles des environs de Voiron et du seuil de Rives, voir la publication n° 163
cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille "Voiron"


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